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Vers un nouveau partage du pouvoir en Côte d’Ivoire ?

Publié le 27 octobre 2010 par Unmondelibre

Vers un nouveau partage du pouvoir en Côte d’Ivoire ?Gisèle Dutheuil - Le 27 octobre 2010. La présidentielle ivoirienne, reportée depuis 5 ans, devrait enfin avoir lieu le 31 octobre 2010. Sauf cafouillage de dernière minute, les Ivoiriens devraient enfin pouvoir choisir leur futur leader. Le chemin aura été bien long, après huit années de conflit et d’inertie politique ayant fait flamber la pauvreté, et après d’interminables files d’attente pour se faire enrôler puis pour retirer les cartes d’identité et les cartes d’électeur.

La Côte d’Ivoire demeure coupée en deux

Certains qualifient ce scrutin à haut risque et pour cause : malgré les discours apaisants sur la situation, le nord du pays est toujours aux mains de l’ex rébellion qui assure la sécurité, conserve des barrages de contrôle à l’entrée et à l’intérieur de la zone, dispose de ses propres ressources à travers l’exploitation des richesses naturelles et d’un système de taxes. Ainsi, pour contourner ces tensions, l’idée d’un partage du pouvoir après les résultats du scrutin se fait de plus en plus pressante. Ce partage, entré dans la pratique lors des accords de Marcoussis en janvier 2003, serait également un gage de paix et de stabilité car tout le monde pourrait ainsi bénéficier des largesses du pouvoir.

La notion d’un partage généreux du pouvoir

Cette notion de générosité dans le partage interroge pourtant lorsqu’on analyse la situation du point de vue des populations ivoiriennes. Une démocratie repose, entre autres, sur une compétition entre des partis politiques et un libre choix des électeurs. Les partis, dans l’élaboration d’une démocratie, doivent accepter le multipartisme, c’est acquis en Côte d’Ivoire, mais ils doivent également se contraindre à un respect de l’alternance au gré d’élections démocratiques. Le pouvoir partagé revient à un partage du gâteau au profit de petits groupes d’hommes au détriment des populations. Tout le monde est dans le même bateau, s’il coule tout le monde est impliqué mais personne n’est responsable.

Au-delà, le partage du pouvoir est une imposture envers les populations qui n’ont plus de raison de se rendre aux urnes si leur choix est trahi et bafoué. Seraient-elles là uniquement pour légitimer, face au monde, un modèle démocratique sans consistance ? Seraient-elles là uniquement pour légitimer la soif de pouvoir de petits groupes qui pourraient ainsi agir en toute impunité ? Ce partage, nous l’avons vu ces dernières années, ne peut conduire qu’à l’inertie, à la loi du silence, comme le montrent les exemples du Kenya et du Zimbabwe.

On entend dire qu’ailleurs, en France, aux Etats Unis, on s’oriente également vers un partage du pouvoir. La comparaison ne tient pas. Dans ces pays, l’ouverture politique à des personnes issues des camps adverses relève plus de la volonté d’affaiblir l’opposition. Ces recrutements sont individuels. Ce ne sont pas, comme en Afrique, les partis politiques dont sont issues les recrues qui les désignent à leur poste. Les nouvelles recrues entrent ensuite pleinement dans la vision de l’équipe en place. Elles sont bien souvent exclues de leur propre parti politique et adoptent ensuite les couleurs politiques de leur nouvelle équipe et ce n’est pas non plus le cas en Afrique. Ce modèle de partage opportuniste à l’occidentale n’affaiblit nullement la vision globale et n’entrave pas l’action de l’équipe en place.

L’exercice du pouvoir par l’équipe sortie des urnes

A l’inverse du modèle de partage, l’exercice du pouvoir par l’équipe de politiciens sortie majoritaire des urnes permet de mettre en place le programme choisi par les populations donc de respecter leur choix. Le flou disparaît car les dirigeants en place ont les rennes en main, peuvent travailler efficacement et deviennent pleinement responsables face aux populations et face à l’opposition qui peut exercer son rôle de contre-pouvoir efficacement. Il faut sortir de l’image réductrice d’une opposition perdante qui reste à ruminer à la maison en attendant le prochain scrutin ou pire le prochain renversement. Dans une démocratie, l’opposition est en principe active et est un contre-pouvoir essentiel qui permet de limiter les dérives de l’équipe en place. L’opposition, au même titre que les médias, est censée veiller au respect des intérêts des populations. Ce rôle lui confère une forte responsabilité démocratique et une place importante dans la vie de la nation. Si la règle du jeu est respectée, l’alternance politique est facilitée. Ce mode de gouvernance, loin de l'égoïsme conduit au respect de l’intérêt public. L’obligation de résultats, familière au chef d’entreprise, s’impose alors aux responsables politiques qui sont comptables des deniers publics.

Ça va aller !

L’élection qui arrive devrait être un moyen de sortir de cette situation exceptionnelle qui est souvent prise comme alibi à l’inertie et, à travers la légitimité des urnes, rétablir l’ordre et l’équilibre démocratique. Il faut cesser la fuite en avant qui consiste à voiler les vrais problèmes pour paraître bon élève face à la communauté internationale et fin négociateur face au peuple. Les Ivoiriens sont dans l’attente d’une équipe énergique qui saura rétablir l’Etat de droit et mettre en place un cadre institutionnel qui permettra la création de richesse.

Partout dans le monde on constate que la prospérité est en corrélation directe avec les libertés. Reconnaître des libertés individuelles et mettre en place un cadre institutionnel favorable à la création de richesse relèvent de la volonté des dirigeants. Alors que le partage du pouvoir incite à la déresponsabilisation, il serait regrettable que, quelque soit le leader sorti des urnes, cette échéance électorale tant attendue et tellement coûteuse se solde par un coup d’épée dans l’eau.

Gisèle Dutheuil, est membre du think tank Audace Institut Afriqueet auteure de "A l'intelligentsia ivoirienne : Oser une nouvelle voie"


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