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Pigeon

Publié le 27 octobre 2010 par Jlhuss

pigeon.1288040672.jpg « Oiseau au bec grêle, aux ailes courtes, de couleurs très variées selon les espèces.»
« Bec grêle » mais suffisant pour tenir un rameau d’olivier. Oui, je sais : selon la Bible et les idéalistes, c’est à la colombe, la toute blanche, la très pure, que revient la grâce d’annoncer la fin du Déluge, la paix universelle, la liberté et la fraternité. Confier nos sacrées valeurs au pigeon, ce noiraud, ce pouilleux ! Ça va bien, vous ?

Le « bec grêle » de ce vulgaire lui permet aussi de picorer le pavé ou de bécoter en courts assauts, comme on ferraille. On peut certes moquer le mâle pour ses rengorgements patibulaires et circonvolutions de derviche tourneur, à l’esbroufe d’une pigeonne moins dupe que son nom ne l’y prédispose : elle finit par se lasser,  laisse monter le galant deux secondes, en équilibre sur une gouttière ; elle se croit quitte avec cette concession, mais voilà qu’il y revient sur l’abribus, le store du boulanger, la tête de Léon Blum!

Le nid n’est ni fait ni à faire. Trois ramilles jetées à la diable dans une croisée de platane. On trouve donc pas mal d’œufs ou d’oisillons par terre, au bonheur des chats. N’importe, il  reste toujours assez de descendance pour ravir les Nippons à photos, distraire les petits vieux à croûtons, blanchir les bâtiments, ulcérer les édiles.

Chassez le pigeon par l’allée, il reviendra par le gazon. Et ne comptez pas le tromper deux fois en lançant du bouchon. Il y a plus d’acuité dans ses confetti d’œil montés sur cou mécanique, plus de jugeote en sa cervelle de dé à coudre, plus de vigueur en ces pattes de frêle corail, plus d’expérience en ce plumage d’ardoise et de zinc rapiécés, bref plus d’adaptation à la fureur des villes en cette demi-livre de plume à ressort qu’en toute l’énergie désespérée d’un sans-domicile.

Des deux mendiants, n’est-ce pas l’oiseau l’enviable ? Sa paix : il fait ce qu’il doit, et c’est précisément ce qu’il peut. Dans l’œil de l’autre, l’humain, « mon semblable, mon frère », bien plus poignante que l’angoisse de casser la graine, la honte de n’être plus ce qu’on était, jamais ce qu’on voulait devenir, nullement ce qu’on attendait de vous.

Liberté suprême du pigeon de Paris : se poser au pied de la pyramide du Louvre sans indisposer les touristes et sans se demander comme eux si l’on aura le temps   de voir la Joconde entre deux mouvements sociaux.

*

Le proverbe du jour :  A plumer un pigeon, on fricasse sans gloire.

Arion


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