C’est la construction des photos d’André Kertész qui m’a d’abord intéressé. La première de ses photos que j’ai vue était sur la couverture d’un livre de Jean-Christophe Bailly, La ville à l’œuvre. C’était une photo prise à Meudon en 1928. Au milieu de cette photo, au premier plan, un homme porte un tableau sans doute, emballé dans du papier journal ; à l’arrière-plan, un viaduc traversé par un train dont la fumée traîne un panache gris ; la rue est en pente, certains descendent, d’autres montent ; on sent bien que cette ville change, sous la voie de chemin de fer on pourrait croire à un chantier naval.
Et, plus tard, j’ai été séduit par ses photos de squares prises d’une fenêtre d’immeuble, lignes courbes, bancs, arbres dénudés, sur un tapis de neige. Toujours l’obsession des lignes, jusqu’à leur déformation, gares, gratte-ciel, corps en distorsion. Une image de la Martinique, en 1972 (où une silhouette apparaît derrière une vitre translucide, à gauche de la photo, face à la mer étale) me rappelle cette autre photo, de 1917, d’un nageur sous l’eau, cet élément mouvant, qui, dans ces images, semble si calme.

Les photos d’André Kertész sont exposées au Jeu de Paume, à Paris, jusqu’au 6 février 2011.
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 29 octobre à 14:48
Le musée du Jeu de Paume propose jusqu'au 6 février 2011 une rétrospective magistrale de l'oeuvre d'André Kertész ( 1894- 1985 ), hongrois de naissance, français de coeur et américain de nationalité.
Trois remarques sur cette rétrospective :
1- André Kertész se passionne pour la photographie en pleine guerre. On découvre des compositions réalisées en Hongrie, sur le front, en 1915. Son style : une touche humaniste et une approche fraternelle.
2- Avec les fameuses "distorsions", il met en place un nouveau type de langage photographique. Il fait preuve d'une grande liberté créatrice, en livrant une série d'images inattendues, proches des surréalistes (par exemple, " Plaque cassée", 1929 ou "Distorsion" n° 41, 1933, avec son autoportrait ).
3- Ce travailleur acharné participe aussi à l'émergence du photoreportage et de la photographie de presse.
Adoptant un point de vue chronologique, l'exposition permet de mieux situer la spécificité de l'oeuvre de Kertész et de comprendre son apport majeur à la photographie. Une oeuvre attachante dans le cadre d'une rétrospective remarquable !
Mihail ROLEA