Cela faisait maintenant deux mois que l’Attentat avait permis au gouvernement sarkoziste de fouler au pied toutes les libertés individuelles. Le droit de réunion avait été interdit. Des sniffeurs reniflaient allègrement le moindre propos subversif des dissidents, entrés en résistance. Sur le web en tout cas. Les indisciplinés avaient alors recouru à de vieilles méthodes pour échanger : pigeons voyageurs, boites aux lettres planquées dans des poubelles ou sous des bancs publics, petites annonces innocentes dans la presse ou dans les blogs de cuisine…tous les moyens étaient bons pour restaurer l’espoir et tromper l’ennemi. Les télés n’avaient pas changé leur programmation : avant l’Attentat, elles distillaient déjà parfaitement la potion délétère du renoncement et de la distraction à bon marché. Seules quelques émissions subversives avaient disparu de la grille des programmes. Pas la bonne heure, pas la bonne audience, Philippe Val s’en expliquait sans complexe.
Ah, le Présidentissime l’avait eu, son instant Thatcher ! Mais ce n’était pas sa « fermeté » ni son intransigeance qui l’avaient permis… Un concours de circonstances, habilement mis en scène par Horteboeuf et Scouardcini, un attentat bidon dont les seules victimes avaient été causées par le mouvement de panique qui s’en était suivi, et hop ! Appliquant à la lettre les principes énoncés dans la stratégie du Choc, le pays s’était retrouvé en coupe réglée, toute velléité de résistance anéantie. Du moins, c’est ce qu’il semblait. Huxley et Orwell avaient imaginé des futurs bien sombres ! Celui d’Huxley s’étant révélé trop imparfait pour l’exigence de soumission absolue au TINA, c’est celui d’Orwell qui entrait désormais en scène.
Mais malgré la mainmise des séides de l’état devenu fasciste, laissant transparaitre enfin sa vraie nature, des îlots de résistance se développaient dans tout le pays. Pas une nuit sans que les supermarchés, les banques et autres agences d’assurance ne soient tagués par des révolutionnaires en herbe. Pas une journée sans que Daniel Mermet n’émette, sur des fréquences sans cesse renouvelées, des appels à la révolte citoyenne. Pas une nuit sans que Jean-Luc Mélenchon, entré en clandestinité avec ses compagnons du Front de Gauche, n’abjure les républicains de tout crin à se soulever contre le sarkozysme triomphant.
Et l’incroyable se produisit ! Un rassemblement de lycéens fut réprimé très durement : on ne plaisante pas avec le couvre-feu, on ne défie pas impunément les forces dominantes ! Mais au lieu d’éteindre une bonne fois pour toutes la rébellion, celle-ci fit tâche d’huile. Les ouvriers arrêtèrent les chaines qui les asservissaient. Les paysans cessèrent d’approvisionner la grande distribution. Laquelle ne pouvait non plus compter sur des ravitaillements extra-territoriaux, compte tenu du blocage des aéroports (et oui, le risque terroriste étant écarlate, les avions ne volaient pas !). Les journalistes précaires prirent les commandes des grands quotidiens, avec le soutien actif des syndiqués du livre, tandis que leurs collègues kleenex du PAF firent de même.
Ça donne envie, hein ?! Mais c’est – encore – une fiction….à nous de lui donner corps ! Nous avons une responsabilité historique ! RESISTANCE !