Karkwa @ Divan du Monde Concert
Il y a des choses qui ne s'improvisent pas, et puis il y a des concerts de Karkwa. Décidé la veille pour le lendemain, le concert surprise et gratuit du groupe de rock québécois Karkwa a eu lieu ce mercredi 20 octobre au Divan du Monde.
Une chance pour les quelques deux cent cinquante personnes disponibles ce soir-là, et pas plus fan de foot que ça, de se changer les idées en compagnie de ce groupe de rock francophone tout droit venu d'outre-Atlantique, avec son album "Les Chemins de Verre" sous le coude, à défaut de l'avoir à disposition dans les bacs.
L'introduction pesante et planante à la fois marque le ton d'entrée de set. Karkwa est déjà très rock alors qu'on en est à peine à dix notes jouées. Il faut cependant préciser que ces illustres inconnus n'en sont pas à leur coup d'essai, et que si le nom du groupe ne déclenche que des sourires de par chez nous, Karkwa n'en est pas moins le lauréat du prix Polaris 2010, devant Caribou, Broken Social Scene, The Besnard Lake... Excusez du peu !
Pour son deuxième Divan du Monde de la semaine, Louis-Jean Cormier, le chanteur du groupe, semble déjà comme à la maison. "Bonsoir Paris ! On est heureux, on est choyés, on est flattés. On pensait se reposer ce soir, mais là c'est mal parti... Des gens ont mis de l'alcool dans notre loge, alors on est bien ce soir ! On chante en français : ça le fait, hein ! Ça donne bien !" Dans la salle, les sourires fusent. Le groupe attise la sympathie de son seul accent et le son fait le reste.
Bluffant d'aisance, Karkwa délivre un rock indé aux rythmiques nord-américaines et aux mélodies teintées de Belgique, le tout agrémenté d'un lyrisme et d'une élégance qui nous sont tout simplement inconnus dans l'Hexagone. Les mots de Louis-Jean Cormier s'enchaînent en douceur pour se fondre dans une planante mélodie. Y'a pas à dire, le français, ça "roxe" finalement !
"Comprenez-vous un peu quand même ?", nous lâche un Louis-Jean Cormier euphorique, avant d'ajouter "Whoa pas trop. Mais on s'en fout !" Et de fait, l'accent du chanteur paraît maintenant d'une telle évidence que tout le monde s'en fout. Gonflé d'une impressionnante section rythmique composée de deux batteurs dont un électro-percussionniste aficionado des toms et des pads, Karkwa oscille entre tempête sonore "sur-riffées" et temps calmes mélancoliques en tonalités mineures. Un clair-obscur musical aux accrocs de douceur.
Entrecoupant l'intimité d'un concert exclusif d'envolées sonores compulsives, Karkwa distille un rock d'une authenticité perdue en France. Malgré un set décousu (improvisé ?), Karkwa semble être un groupe depuis longtemps paré pour un avenir doré ; qui ne demande, paradoxalement, qu'à être découvert.
Et si le meilleur groupe de rock francophone était québécois ?
par Laurent Bechetoille le 25/10/10