J'ai opté pour les chaussettes de montagne

- Tiens je t’ai acheté des chaussettes de montagne.
- Des chaussettes de montagne ? Mais je ne vais jamais à la montagne.
- Oui,... c’était une bonne affaire.
Alors j’ai cherché l’utilisation que je pourrais faire de ces chaussettes de montagne. Aucune de mes chaussures ne supportaient les chaussettes de montagne. Car les chaussettes de montagne s’utilisent avec des après-ski ou des chaussures de randonnée. Avec des mocassins ou des escarpins ou des baskets avec des bandes dorées, les chaussettes de montagne, trop épaisses, ne servent à rien sinon à avoir le pied compressé, comme dans des chaussures beaucoup trop petites. J’ai plié les chaussettes de montagne et je les ai rangées dans un tiroir.
Par hasard, un jour, j’ai commencé à avoir froid aux pieds le soir. Et ça m'empêchait de dormir.
J’ai essayé les bouillottes même si c’est complètement ringard. Quand on pense à retrouver le sommeil, on ne pense pas à ce qui est ringard ou à ce qui ne l’est pas. C’était chiant à préparer, mais ce fut ma solution jusqu’à ce qu’une nuit, la bouillotte fuit vers deux ou trois heures du matin.
Je me suis réveillée, j’avais une drôle de sensation mouillée sur les pieds, ça semblait tiède. Je me disais « c’est bizarre », « c’est vraiment bizarre ». J’ai cru que c’était à cause du sommeil et d’un réveil trop précipité que j’avais ces sensations bizarres de mouillé. Je me suis contorsionnée pour pouvoir poser ma main à l’endroit de la sensation. « Mais c’est mouillé !!!! ». Je me suis levée d’un bond, j’ai envoyé valser les draps et les couvertures, j’ai attrappé l’objet, je l’ai inspecté sous toutes les coutures, sans voir de trou, mais à l’endroit du bouchon de l’eau s’échappait bel et bien.
J’ai sursauté quand la porte de ma chambre s’est ouverte.
C’était mon père qui débarquait, les yeux plissés de sommeil.
- Je n’ai pas fait pipi au lit, c’est ma bouillotte qui fuit.
- Je…Ah…Et tu es obligée de faire tout ce bruit ?
- Mais mon lit est tout mouillé !
- Change les draps, mais s’il te plaît, en silence.
La porte s’est refermée. Quelle ingratitude quand même. Il ne m’a même pas proposé d’aide, ni rien, tout ce qui compte, c’est son précieux sommeil. C’est sûr, ce n’est pas sa bouillotte à lui qui fuirait. Y’a pas de justice.
Je me suis rendue à pas de loup vers la pièce qui servait de buanderie à ma mère, à la recherche de draps.
J’ai sursauté quand la porte s’est ouverte à nouveau.
Ma mère est entrée, les cheveux en bataille.
- Qu’est-ce que tu cherches ?
- Des draps. Ma bouillotte a fui.
- Y’en a plus de propres.
- Mais pourquoi ?
- Parce que je n’ai pas eu le temps.
- Qu’est ce que je fais, mon lit est mouillé.
- Je ne sais pas. Mais j’aimerais bien dormir.
Alors j’ai mis une serviette sur la tâche d’eau. La serviette n’arrêtait pas de bouger et alors je ressentais à nouveau la texture du drap mouillé sur mes pieds. En plus, l’eau était passée de tiède à froide. Hyper désagréable.
J’ai couru vers la chambre de mes parents, mais les ronflements en cadence m’ont découragés.
J’ai pris un édredon et une couverture, un oreiller, les fichues chaussettes de montagne et j’ai tout flanqué sur le canapé, particulièrement inconfortable, du salon. J’avais vue sur la cheminée. Alors j’ai eu une idée lumineuse. Faire du feu. J’ai été chercher du papier journal, j’ai pris une bûche, j’ai fait craquer une allumette que j’ai balancée près du bois, j’ai pris un tisonnier et j’ai fourragé pour que ça prenne.
J’ai sursauté pour la troisième fois.
Mon père.
- Qu’est-ce que tu fabriques ?
- Y’a plus de drap. Je ne peux pas dormir dans un lit tout mouillé. D’eau froide, en plus. Je fais du feu pour me réchauffer.
- Comme ça ?
- Quoi comme ça ! ?
- Il faut du petit bois pour aller un feu, du petit bois sec, pas du papier journal. Le petit bois sec, il est dehors.
- Tout est toujours dehors ici.
Il s’est mis à rigoler en regardant mes pieds.
- Au moins tu auras trouvé une attribution à tes chaussettes de montagne.
Publié par les diablotins