JEAN OURRYet l'orgue du Puy-Notre-Dame
Quelques généralités à propos de l'orgue...A l’origine, l’orgue était un instrument qui avait sa place dans les cérémonies officielles, les festins, les jeux, et n'était pas admis à l'église comme tous les autres instruments d‘ailleurs.Il est mentionné qu’autrefois cet instrument était appelé "cornemuse du diable" par l’Eglise et que des organistes furent excommuniés.
Comme rien n’est immuable, les temps changent….les années passent et ces orgues maléfiques deviennent des instruments d'église sacralisés. Les religieux se chargent désormais de la facture d’orgue, au sens propre comme au figuré en finançant ces instruments. Le ton comme l'explique Boyer
….. rappelons nous que seuls les religieux détenaient le savoir à cette époque et avaient les moyens de financer de tels chantiers.
On peut aussi interpréter l’acquisition d’un orgue à un sentiment de richesse, de puissance et de renom pour un lieu. L'instrument se modifie et s'améliore... La loi du toujours plus y a fait des merveilles. Toujours plus de jeux, toujours plus de puissance, toujours plus de note, de claviers... Certaines orgues sont vraiment gigantesques, des centaines de tuyaux, certains faisant plusieurs mètres de haut (on les mesure en pieds). L'instrument évolue rapidement et le marché évolue et prose les dernières innovations.
JEAN OURRY
Certains documents orthographient OURRY avec un seul R ; il s’agit bien de la même personne.
Jean Ourry est probablement né dans le dernier quart du 16ème siècle. Nous ne savons que peu de choses de ses premières années sinon qu’il est issu d’une famille de musiciens d'orgue. N’oublions pas qu’à cette époque on transmettait et perpétuait son savoir de père en fils. De plus sa famille semblait très liée à celle des Roch d’Agillières, dynastie de célèbres facteurs d’orgues ( Chartres) qui avait en charge l’orgue de Gisors près de Vernon.
Nous disposons d’éléments plus précis au début du XVIIème siècle
Jean Ourry, apprit son métier dans l’atelier du maître facteur d’orgues rouennais Crépin Carlier. En 1607, il réalise les orgues de la Collégiale Notre-Dame de Vernon (Tourelle centrale de 5 tuyaux flanquée de deux plate-faces de 8 tuyaux chacune et de deux tourelles latérales de 5 tuyaux. 3 claviers manuels de 56 notes, pédalier de 30 marches. Soufflerie électrique. Notes et jeux mécaniques). Il demeure dans cette même ville.
Nous retrouvons ensuite à Poitiers le flamand Crépin Carlier (facteur des orgues de la cathédrale de Rouen), qui est très en vu ; il réalise plusieurs orgues dans cette ville (St Hilaire, abbaye de la Croix, Beaumont les Tours… et surtout la cathédrale St Pierre). Il part alors pour Paris en 1613. En 1616, on fait de nouveau appel à lui. Empêché, il propose d’envoyer à sa place un de ses élèves des plus confirmés…« un homme aussi suffisant que lui » : Jean Ourry.C'est ainsi que le 09 octobre 1619, Jean Ourry, alors "maître facteur d’orgue" vient à Poitiers et s’engage à fournir un orgue de 18 jeux, à Notre Dame la Grande pour la somme de 1500 livres. L’orgue sera terminé le 24 octobre 1620 examiné par les organistes locaux Caillaud, Lorin et Néron, ce dernier d’origine ponote.
Notre homme obtient un atelier dans le quartier de St Oustril en 1620 et on l’appelle de nouveau le 12 décembre pour refaire l’orgue de St Hilaire pour la somme de 900 livres. La livraison a lieu le 17 décembre 1622.A partir d’août 1624, il s’établira dans le quartier de St Pierre. Veuf, il se remarie avec Marguerite Baudry qui lui donnera une douzaine d’enfants (1626 à 1639).Pour nourrir sa nombreuse famille, Ourry se doit de multiplier et accepter les chantiers.Il signe un marché important le 28 août 1626 pour la construction d’un orgue pour la cathédrale de Saintes, achevée le 30 septembre 1627.
En 1628 ce contrat sera complété de quelques garanties financières. Après les orgues du Puy, on ne sait à quels chantiers s’occupa Ourry.
Jean Ourry décède en 1642 ou 1643, le dernier document trouvé étant un inventaire de ses biens dressé le 31 août 1643.
L’ORGUE du PUY-NOTRE-DAME
Il existait avant 1627 un orgue au Puy-Notre-Dame auquel font référence des documents d'époques mais aucune description n'est mentionnée.Il est vrai que la guerre de religion n'a pas épargné la collégiale et l’instrument était sans doute hors service quand en 1627 on se décida de le remplacer.
Le 6 mars de cette année, Dom Valentin Peillon moine de l’abbaye de Montierneuf, et prieur du Puy, représentant les moines du Prieuré, les Chânoines du Chapitre, le curé et les habitants, s’en alla à Poitiers où, par devant messieurs Pommeray et Jehaux , notaires, il passa marché avec le sieur Jean Oury, facteur d’orgues, qui s’engagea « à fournir un bel et bon instrument pour la somme de 2700 livres, qui sera payable par acomptes ». Plusieurs mois plus tard, le 17 octobre, « sur les 11 heures du matin, à l’issue de la messe du Roy, les habitants du Puy furent assemblés au son de la cloche, entendaient lecture de la part de Blandi, procureur de la Fabrique, du marché conclus le 6 mars à Poitiers, entre Dom Pellion et le facteur d’orgues.
Bientôt, quand les plans et dessins furent achevés, la Fabrique traita avec deux maîtres menuisiers, Amelot et Simon Escot, proposés par Ourry, pour l’huisserie et la sculpture de la galerie et du buffet, et aussitôt on se mit à l’ouvrage.
En juin 1628, la galerie fut achevée, et au mois d’octobre de la même année, l’instrument était en place, comme en témoigne l’inscription suivante écrite sur le buffet : « Cet orgue fut posé au mois d’octobre 1628 par Ourry, facteur d’orgues, et payé par la fabrique. »
Le 22 décembre, à la demande du sieur Falloux, procureur de la Fabrique, Louis Badelle, maître de Psallette au Puy, et deux organistes venus de Dammartin et d’Angers, vinrent faire la visite et l’essayage des jeux. Le soir du même jour, après réception du travail, Jean Ourry reçut les 900 livres qui lui restaient dues « pour le parfait et entier point du prix du marché » et « de l’avis des habitants » on donna 64 sous à Claude Baudry, son compagnon, pour « vin de marché », 20 livres à la veuve d’Antoine Quétineau pour avoir fourni audit Oury, pendant « la facture des orgues », chambre et linge, à raison de 6 livres par mois. On avait payé précédemment aux menuisiers 4 livres 10 sols pour les piles de la galerie, et 600 livres pour la galerie et le plancher.
LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
La collégiale du Puy se trouva livrée au pillage et tout ce qu'elle renfermait de précieux fut pillée et l'on enleva jusqu'aux tuyaux de l'orgue qui furent fondus et vendus. Il ne resta que le buffet d'orgues qui n'intéressait pas grand monde. L'oratoire de Louis XI ou chapelle St Anne servit, entre autres, de dépôt pour les boiseries de l'orgue considérées heureusement de mauvais goût , bien que toutefois mutilées.
RESTAURATION de l’EGLISE
En 1802, l'église fut rendue au culte catholique dans un état de délabrement et de pauvreté qui contrastait péniblement avec les richesses et la pauvreté d'antan.Le Chapitre du Puy n'est plus que souvenir tout comme notre orgue.
Au milieu du XIXème, alors que l’on travaillait à la restauration de l’église, la galerie et le buffet, ou ce qu'il restait, furent descendus. Certains historiens prétextent qu’ils n’étaient pas du même style que l’édifice, mais l'état présenté semble affirmer qu'un restaurateur tel Charles Joly-Leterme ne put rien faire devant un tel délabrement. Menuiseries et tuyaux furent entassés pêle-mêle et démontées . Elles passèrent dans les mains d’un marchand d’antiquités.Finalement, elles furent achetées par un riche amateur de Tours ,M. Duchâteau, qui les fit réparer. En mars 1920, Mrs. Louis et Maurice de Farcy se rendirent chez ce dernier et purent les dessiner et les photographier. Les croquis, les cotes et les photographies rapportées de Tours ont permis à un très habile dessinateur de Saumur, M. Beaufils, de faire une restauration graphique complète de l’ensemble de la galerie et du buffet. Voilà, l'histoire s'arrête là. Où sont ces dessins de Mrs De Farcy ?Et cette restauration graphique de ce monsieur Beaufils ?
On reste un peu sur notre faim et l'on peut considérer que ce sujet n'émeut pas grand monde, à savoir combien de personne savent encore qu'il y eut un orgue important dans cette collégiale. Si ces archives existent, il est peut-être encore temps de de les rechercher.
DESCRIPTION DE CET ORGUE
- La galerieElle est appuyée sur des colonnes en bois , contre le mur occidental de l’église, au dessus de la grande porte, et s’étend dans toute la largeur des trois nefs. Desservie par l’escalier du petit clocher de la façade, côté de l’évangile, elle s’élargissait sans doute en son milieu, face au maître-autel, pour supporter le buffet. Il n’est rien resté des piliers mais divers fragments que possède M. Duchâteau permettent de reconstituer le parapet qui se composait d’une série d’arcatures s’enlevant sur un fond plein, reposant sur une base solide et surmontée d’une corniche profondément fouillée.
- Le parapet à la partie centrale, était interrompu par le petit buffet du positif, placé en porte-à-faux et composé de deux montres olates à frontons, séparées par une tourelle et encadrées de deux autres, à plan triangulaire, la base reposant sur des consoles.
- Le grand buffetderrière celui du positif, comprenait en son milieu une montre plate de 1m10 de largeur, dont la partie supérieure, garnie de feuillages sculptés, portait en relief, et somées de la couronne royale fermée, les armes de France et de Navarre, qu'entouraient les colliers des ordres de Saint Michel et du Saint-Esprit. A droite et à gauche, deux autres montres en encorbellement, plates elles aussi, mais moins larges, étaient ornées, à la partie supérieure, l'une des armes de la famille d'Orléans, avec couronne de Prince du sang, l'autre des hommes de France et des Médicis avec la couronne royale.. Au dessus de ces montres il y avait deux frontons représentant, parmi les feuillages et des fleurs sculptés, des personnages jouant de la conque marine. Les encorbellements qui, de chaque côté, élargissaient le buffet d'un mètre au moins, étaient ornés de motifs sculptés à jour, représentant des anges parmi les feuillages. Les trois montres plates étaient séparées par deux tourelles en saillioe ; ces tourelles, bâties sur le plan triangulaire, présentaient deus pas rectilignes, l'angle en avant. Elles reposaient sur deux consoles, formées chacune de cinq cariatides (celles-ci ont été vendues à un amateur d'art de Philadelphie) et leur partie supérieure était coiffée de motifs sculptés très élancés. Tourelles et montres étaient séparées par des pilastres à bases très simples et à chapiteaux corinthiens.
A défaut de document, il se pourrait, pour des raisons d'esthétique et d'éclairage, que la montre centrale, entre les deux tourelles, n'ait pas été de même hauteur que les deux montres en encorbellement, et qu'elle fût à un niveau plus bas. Les plus logs tuyaux auraient été aux extrémités, les plus courts au milieu, ce qui différencierait cet orgue de celui de Saintes. Cette disposition aurait permis de ne pas masquer tout à fait la grande fenêtre de la façade de l'église.
Le parapet de la galerie, le grand et le petit buffet de l'orgue étaient de sculpure assez grossière, d'un style qui rappelle encore certaines façons de faire du temps de François 1er et d'Henri II. Ils étaient enluminés de jaune et de rouge, avec quelques traits de couleur blanche, ce qui faisait que l'ensemble se détachait fort bien et le mettait en valeur sur le mur du fond de l'église. La peinture coûta 36 livres selon un compte du 12 oct. 1628.
La disposition des tourelles était fort curieuse et rappelait encore certains procédés antérieurs au XVIIème siècle.Avant de les faire rondes, on les faisait carrées ou triangulaires. Dans les deux cas, les pans apparents étaient rectangulaires ; si elles étaient à base triangulaire, l'angle était en avant, face au spectateur, ce qui permettait, pour protéger les tuyaux de la poussière, de les couvrir de rideaux de serge ou de volets à charnières, enluminés à l'intérieur de dessins à grands ramages ou historiés de scènes à personnages.