En lisant un billet de l’Hérétique, il y a quelques jours, je me suis souvenu d’une autre histoire de transport en commun. C’était en 2002, il y a 8 ans déjà ! Je travaillais pour IBM, dans l’implementation et la gestion de gros centres d’appels en Asie Pacifique.
Mon bureau était à Sydney, mais je passais ma vie dans les avions et les hotels. J’avais un enfant d’un an et demi et un second n’allait pas tarder à rejoindre l’équipe Grigg-Grandsimon. Bref j’essayais de passer autant de week-ends que possible à Sydney avec ma famille.
Pour maximiser (je « maximisais » beaucoup à l’époque) mon temps de travail, je prenais l’avion pour Tokyo à 22h le dimanche soir. Je dormais dans l’avion, classe affaires bien sûr, et je débarquais à Narita tôt le lundi matin. Ensuite c’était direct au boulot dans le quartier de Makuhari. C’est loin de Roppongi, mais c’est là qu’IBM avait ses centres d’appels. La journée du lundi c’était toujours à fond et puis comme c’est le Japon, on ne quittait jamais le boulot avant 20h et le plus souvent c’était 22H. Ce qui me génait le plus c’est que je savais que les gens qui bossaient pour moi ne rentraient chez eux que quand je quitais les lieux. Moi je ne passais que deux ou trois jours avant de partir sur Shanghai et je devais faire le maximum alors je bossais tard, car j’avais un hotel tout prêt, mais certains avaient encore une ou deux heures de train pour rentrer.
Ce lundi là, ma secrétaire m’avait réservé une chambre dans un hotel à Shinjuku, où j’avais des réunions importantes le mendemain matin. Il était donc 22h50 ce fameux lundi soir et je me dirigeais vers la gare de Makuhari pour prendre mon train vers le centre ville. Il y avait encore beaucoup de monde dans le train. J’étais crevé, j’avais encore ma valise avec moi et bien sûr mon ordinateur portable. Au bout d’un moment une place c’est libérée et je m’y suis éffondré. Ça faisait un moment que je travaillais au Japon, donc plus d’angoisse du transport en commun la nuit, je savais que cette ligne se terminait prêt de mon hotel, je me transformais donc en bon Japonais et je commençais ma nuit dans le train. Debout ou assis, la plupart des passagers dormaient.
J’étais en toute confiance, j’adorais le Japon, les gens, la culture, la nourriture bref je me sentais bien, en confiance. Mais je n’étais toujours qu’un Gaijin (étranger).. On reste toujours un Gaijin au Japon. Quand le train est arrivé au bout de la ligne vers 11h30, tout le monde est sorti, mais on a oublié de réveiller le Gaijin, ou on n’a pas osé réveiller leGaijin . Ce train bien sûr, n’allait pas plus loin, mais quelques minutes plus tard, il reppartait dans l’autre sens ! Je ne me suis pas réveillé, et ce n’est que vers 1 heure du matin que j’ai ouvert les yeux, tout de suite j’ai compris que quelque chose ne tournait pas rond.. D’abord le train allait dans la mauvaise direction ensuite, …ensuite il était 1h du mat !!
Je suis sorti à la gare suivantre, bien loin de Tokyo et de Makuhari et là je me suis posé les vrais questions. Qu’est ce que je faisais là ? Bien sûr pour ce genre de situation j’avais la carte American Express de la compagnie et tout allait rentrer dans l’ordre bien vite, mais qu’est ce que je faisais là ? Est-ce que je n’étais pas l’esclave d’un système ? Pour réussir dans cet environnement il fallait donner 90% de son temps et 100% de son espace de réflexion. Mon salaire, mon bonus et mes options (que je considère aujourd’hui un peu obsène) me permettaient de croire que j’étais libre. Car j’étais libre de consommer sans compter, mais dans les faits j’étais un esclave du système.
Beaucoup prennent conscience de leur situation et arrivent à rester dans le généreux système en se mettant un peu « en roue libre ». Ils se font écarter progressivement mais ils s’en moquent. Moi je n’y suis pas arrivé, en plus au même moment (début 2003) j’ai découvert que 9-11 was an inside job, donc j’ai renoncé complètement au système et à tous ses « avantages ».
Comme quoi les voyages en train !!
PS : big hello to you Arakawa-san and Takahashi-san.