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Épargner c’est dépenser

Publié le 26 octobre 2010 par Copeau @Contrepoints

Épargner c’est dépenserLe blogueur Xerbias écrivait récemment dans un billet consacré au ministère de la Relance de Devedjian que « le prochain remaniement gouvernemental [...] peut être [...] l’occasion de se débarrasser d’un ministère qui n’avait pas de vraie raison d’être dès le départ. » Il poursuit : « Le ministère de la Relance est en effet né d’un coup politique, et non d’une nécessité. »

Un constat avec lequel nous ne pouvons bien évidemment qu’être d’accord.

Mais Xerbias écrit par la suite : « Il ne s’agit pas de nier qu’une politique de relance était nécessaire. » Ce qui appelait un commentaire de notre part :

« Il eût été possible de relancer l’économie par la baisse des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires. Au lieu de cela, on a relancé l’économie par l’endettement (public), alors même que la crise financière résultait de l’endettement (privé). Il faudra bien en payer la facture… »

Ce à quoi Xerbias a répondu :

« [L]a question est de savoir dans quelle proportion l’argent libéré par cette baisse des prélèvements obligatoires se serait retrouvé injecté dans l’économie (via la consommation et l’investissement) plutôt qu’épargné [...]. »

Nous ne pouvions, bien entendu, que répondre comme suit :

« Si l’argent libéré est épargné, il sera tout autant injecté dans l’économie que s’il avait été directement consommé ou investi. Pourquoi ? Parce que l’épargne n’est jamais dormante : l’épargnant est rémunéré grâce aux intérêts payés par les emprunteurs. Ainsi, dès qu’un euro est épargné dans une banque, il est prêté (d’ailleurs, les banques prêtent beaucoup plus qu’elles n’ont de fonds propres, puisque les récents Accords de Bâle imposent des fonds propres de 7 %) à un emprunteur qui se servira de cet argent pour consommer, ou investir. Une fois que ce dernier remboursera son crédit, la banque pourra rémunérer l’épargnant. Le rôle de la banque est de faire se rencontrer l’épargnant et l’emprunteur. Il n’y a pas à forcer l’injection de l’argent dans l’économie, elle se fait naturellement. »

Nous ne faisions ici que paraphraser ce qu’écrivait Frédéric Bastiat dans le chapitre « Épargne et luxe » de Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas (1850) :

« Épargner, c’est dépenser.

Quel est le but d’Ariste, en économisant dix mille francs? Est-ce d’enfouir deux mille pièces de cent sous dans une cachette de son jardin? Non certes, il entend grossir son capital et son revenu. En conséquence, cet argent qu’il n’emploie pas à acheter des terres, une maison, des rentes sur l’État, des actions industrielles, ou bien il le place chez un négociant ou un banquier. Suivez les écus dans toutes ces hypothèses, et vous vous convaincrez que, par l’intermédiaire des vendeurs ou emprunteurs, ils vont alimenter du travail tout aussi sûrement que si Ariste, à l’exemple de son frère, les eût échangés contre des meubles, des bijoux et des chevaux.

Car, lorsque Ariste achète pour 10 000 fr. de terres ou de rente, il est déterminé par la considération qu’il n’a pas besoin de dépenser cette somme, puisque c’est ce dont vous lui faites un grief.

Mais, de même, celui qui lui vend la terre ou la rente est déterminé par cette considération qu’il a besoin de dépenser les dix mille francs d’une manière quelconque.

De telle sorte que la dépense se fait, dans tous les cas, ou par Ariste ou par ceux qui se substituent à lui.

Au point de vue de la classe ouvrière, de l’encouragement au travail, il n’y a donc, entre la conduite d’Ariste et celle de Mondor, qu’une différence; la dépense de Mondor étant directement accomplie par lui, et autour de lui, on la voit; Celle d’Ariste s’exécutant en partie par des intermédiaires et au loin, on ne la voit pas. Mais, au fait, et pour qui sait rattacher les effets aux causes, celle qu’on ne voit pas est aussi certaine que celle qu’on voit. Ce qui le prouve, c’est que dans les deux cas les écus circulent, et qu’il n’en reste pas plus dans le coffre-fort du sage que dans celui du dissipateur.

Il est donc faux de dire que l’Épargne fait un tort actuel à l’industrie. Sous ce rapport, elle est tout aussi bienfaisante que le Luxe.

Mais combien ne lui est-elle pas supérieure, si la pensée, au lieu de se renfermer dans l’heure qui fuit, embrasse une longue période ! »


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