Vous vous souvenez de ce qu’on a dit sur les natures mortes ?
On poursuit donc notre voyage à travers ce genre en admirant ce tableau du peintre italien Giorgio Morandi.
Regardez bien : cette peinture a un style (c'est-à-dire une façon de représenter les objets à travers le choix de la technique, des couleurs et de la composition) qu’on qualifie habituellement de « classique ». Les objets choisis pour la nature morte sont très « réguliers » dans les formes (des bouteilles, une carafe), la palette des couleurs est très reduite: gris, blanc, beige, vert pâle. Il devait utiliser plein de peinture blanche notre ami Morandi pour obtenir des nuances si tamisées !
Fernand Léger, Nature Morte avec bocal de bière, huile et pastels sur bois, 1920, Philadelphia Museum Of Modern Art
Et maintenant regardez ce tableau, il a été peint par un autre artiste, cette fois un français, qui s’appelle Fernand Léger. Cette fois, comment est le style? Oui, c’est sûr, il a changé, il est plus « bizarre », « original ». D’abord les couleurs : ici pas de beige ou de gris, la couleur ocre/orange et le bleu sont prédominants. Les aplats de couleur sont très nets, les nuances très fortes. Léger est tout le contraire de Morandi : son style est dit « style d’avant-garde ». Et pourtant, il s’agit toujours d’une nature morte: une peinture qui représente une petite table, avec une carafe, des assiettes avec des fruits, d’autres objets et derrière, au fond de la pièce, une tapisserie noire et blanche.
Savez-vous que le tableau de Morandi a été peint 30 ans après celui de Léger ?
Ce n’est pas parce qu’un artiste ou un tableau est plus récent qu’il aura un style plus « bizarre » ou plus « original ». Quand les gens disent « c’est un style très contemporain » ça ne veut strictement rien dire et souvent cette phrase signifie « ce tableau est mal fait, moi aussi j’aurai pu le peindre ». Le style de Léger serait très contemporain pour ce gens-là, mais notre ami Fernand est mort il y a 55 ans, vous voyez bien qu’il peut être tout sauf « contemporain » (qui signifie seulement actuel, pas plus).
Revenons à nos natures mortes.
Ici vous pouvez voir un autre tableau très original. On voit très bien qu’il s’agit d’un pot avec des fruits dedans, comme j’en voyais souvent chez mes grands-parents. Qu’est ce qui a changé ici ? D’abord regardez les couleurs, il s’agit de couleurs primaires, c’est-à-dire des teintes qu’on ne peut pas obtenir en mélangeant d’autres teintes, comme ici le jaune, le rouge ou le bleu. Et comment sont représentés les fruits ? Sans ombre, la lumière est très nette, c’est comme s’il s’agissait d’une publicité ou d’une bande dessinée pourtant tout cela n’est pas imprimé mais simplement peint. Lichtenstein, l’artiste américain qui a realisé ce tableau, aimait imiter dans ses peintures, la texture des bandes dessinées : ces œuvres ressemblent vraiment à des dessins agrandis dix fois. Sa nature morte, malgré tout, est très originale, quoique, en la voyant pour la première fois, on l’aurait cru très classique. Lichtenstein était très moderne car dans les années 1950 les bandes dessinées étaient bien sûr très repandues, mais elles n’étaient pas prises pour modèle par les peintres. Elles faisaient partie de cette culture qu’on appelle « basse ». Aujourd’hui, il y a plusieurs artistes qui s’inspirent des bandes dessinées, de la publicité et de plein d’autres produits de la culture « basse ». C’est devenu un « classique ».
Craigie Horsfield, Peony, dry print 2003 courtesy Galleria Monica De Cardeanas, Milan
Et nous voilà enfin à notre époque, avec des œuvres qu’on peut qualifier de « contemporaines » (l’une, ci-dessus, à été réalisé en 2003 et l’autre, ci-dessous, en 2006).
Ici tout change, on n’a plus de tableau, mais une photo (dans le premier cas) ou tout simplement des objets. La photo représente une fleur sur fond blanc, sans pot, sans table, sans livre ni fruit. Mais moi, je pense que cette œuvre est vraiment une nature morte. Pourquoi ? D’abord il s’agit d’un objet inanimé et l’homme n’est pas présent dans la scène et si vous vous souvenez bien, toutes les natures mortes classiques et anciennes représentent des objets sans vie. En plus, l’objet en question est une fleur, qui est un des objets préferés des peintres de natures mortes.
Et dans cette deuxième image ?
Ici on n’a plus de tableau, on a directement composé une nature morte en vrai ! On a pris un gros pot de fleurs, on a confectionné un joli bouquet et voilà ! C’est terminé ! Au lieu de représenter des objets différents sur une toile ou une photo, les artistes (qui sont des hollandais, comme notre cher Brueguel) montrent dans leurs expositions l’objet réel. Avec cette idée, ils nous font réfléchir sur ce qui est réel dans l’art et ce qui n’est qu’une imitation du réel. Brueguel fait une imitation du réel, tout comme Giorgio Morandi et Craigie Horsfield. Eux, ils proposent directement le réel dans une salle d’exposition. C’est une réflexion qui ne naît pas avec Jeroen De Rijke et Willem De Rooij, mais bien avant, mais elle est encore très « contemporaine ».
Imaginez si Brueghel ou Matisse voyaient cette sculpture, qu’est-ce qu’ils pourraient penser ?
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