25 octobre 2010
Désolé, on ferme
Devinez ce que j'ai regardé hier. Allez-y, devinez... C'est une série qu'a priori personne ne m'imagine regarder. Vous trouverez jamais. Mais essayez quand même.
Bon, vous donnez votre langue au chat ?
Une série française ! Vous l'aviez pas vue venir celle-là, hein ? Ça doit m'arriver une fois l'an, eh bah voilà, c'était hier.
Nan mais une fois de temps en temps, pour se mettre au niveau, c'est bien nécessaire, quand même. Et puis, après plusieurs incursions dans le domaine britannique (ma bête noire), sur lesquelles je ne manquerai pas de revenir d'ailleurs, je n'en étais plus à une traversée de la Manche près. Pis bon, à Scénaristes en Séries, j'ai vu un peu de fiction française, alors fallait bien que j'en profite tant que je n'étais pas encore trop prise de nausées. Sérieusement les gars, c'était une opportunité comme il n'y en a pas beaucoup dans une carrière téléphagique : j'avais envie de regarder cette série. Fallait pas laisser gâcher...
Donc me voilà devant Maison Close (oui paske j'allais quand même pas regarder une série de TFHein) en me disant que allez hop, tout le monde en parle, en bien comme en mal, je vais quand même y glisser un œil.
La bonne nouvelle c'est que Maison Close n'est pas une mauvaise série. La mauvaise, c'est que ce n'est pas une bonne série non plus.
Parce que ne nous voilons pas la face : c'est avant tout un jeu sur la forme qu'on nous propose ici. Je n'ai rien contre l'esthétisme, bien au contraire. Mais j'attends qu'il s'accompagne d'un propos, qu'il le souligne, quelque chose. Ici, une fois qu'on a compris le pitch (formidablement synthétisé dans le slogan de la série : "les hommes rêvent d'y entrer, elles se battent pour en sortir"), on a plus ou moins fait le tour de la question, quand même. OK, elles sont prisonnières, alors quoi ? Faire toute une série sur l'enfermement dans une maison close ? Je ne suis pas convaincue.
Reste donc pour se divertir un ou deux nichons qui frétillent, et surtout un tas de scènes, de plans et de dialogues pensés pour faire vrai, pour montrer qu'on a fait un truc, pardon pour le jeu de mot, léché... mais quand même un peu creux.
Je ne dis pas que la problématique n'est pas bonne. Ce n'est pas ça mon soucis, même. C'est qu'on a l'impression à en voir ce pilote que la question posée suffit, et qu'elle sert simplement de prétexte à voir s'ébattre les personnages dans les limites imposées par ce sujet de l'enfermement. La petite jouvencelle enfermée par malice et cupidité qui se trouve prise dans le piège qu'elle n'a pas vu venir, la vétérante enfermée par jalousie alors qu'elle pensait avoir une porte sortie après des années de service... Je vois le pilote et j'ai le sentiment d'avoir déjà fait le tour de la question, finalement.
Le pilote n'est pas dans la gratuité. Il y a, bien-sûr, des scènes plus corsées que la moyenne, sans quoi la série perdrait sa crédibilité plus vite que d'autres ne perdent leur virginité. C'était à prévoir. Mais même si les scènes explicites ne sont vraiment pas explicites à moitié, elles restent quand même assez peu nombreuses et s'intègrent relativement bien à l'intrigue, sans chercher à nous montrer du cuissot juste pour le sport. Mais ça, c'est le pilote. Il a une vraie intrigue à montrer. Comment la jalousie de Hortense va briser les espoirs de Véra, comment Rose se trouve prise par les murs du Paradis ; je ne vois pas ce qu'on peut en faire si c'est déjà dit... si ce n'est justement montré du cul pour expliciter le calvaire de l'enfermement de ces femmes (ce qui manque quand même un peu à ce premier épisode).
Du coup, Maison Close semble, à ce stade, tout faire à l'envers. Au lieu de commencer par bien nous présenter les personnages, leur souffrance, leurs problématique, leur lutte vers la sortie, on commence par nous remettre tout ce petit monde dans la maison comme si ces intrigues avaient déjà trouvé leur point final, et on nous laisse penser qu'on va se contenter d'explorer la conséquence de cet enfermement. Un peu comme si les pensionnaires du lupanar avaient attendu la fin du pilote pour en ressentir les effets...
En tant que pilotovore diplômée, je proteste : un pilote doit donner envie ! Ouvrir des portes (pardon), lancer des intrigues, créer du remue-ménage, remuer ce qui dormait jusque là et donner la sensation qu'il y a des développements à venir. Or là c'est tout le contraire, le pilote de Maison Close s'ingénie à nous prouver par a+b que de toute façon, c'est tout vu, les portes sont fermées, on ne peut pas partir. Mais, euh ! C'était votre problématique essentielle et vous la fichez déjà par terre ? Mais que va-t-il donc vous rester ensuite si vous fermez les portes même pour le spectateur ? La crudité de vos scènes ?
C'est totalement contre-productif. L'écueil que vous avez plutôt bien réussi à éviter dans le pilote va devenir votre seule source d'intérêt par la suite ? C'est désolant.
Alors voilà, alors d'accord, eh bah c'est bien : d'un côté on demande au spectateur français de s'intéresser à la fiction française, et de l'autre, on l'envoie paître quand un sujet l'intéresse. C'est pourtant sur cette base qu'il est venu vous voir, non ? J'vous jure, on n'est pas aidés, hein.
Nan mais, finalement, je devrais ptet donner une deuxième chance à Maison Close. En tant que métaphore sur le rapport entre la fiction française et ses spectateurs...
Et pour ceux qui... ah bah non quoi, je vais pas commencer à faire aussi les fiches des séries françaises, zut à la fin, j'ai une réputation quand même !
Maison Close