Dans son Petit Journal, sur Canal+, Yann Barthès a pris l’habitude de rapprocher parfois une déclaration du jour de nos gouvernants avec une plus ancienne, extraite de son armoire aux archives. Nous avons ainsi pu voir, entre autres, notre matamore national déclarer qu’il n’avait pas reçu mandat pour reporter l’âge de la retraite ou plaisanter, avec sa délicatesse naturelle, sur le fait que plus personne en France ne remarquait les grèves. Mais, à chaque fois, les années séparant l’archive de la nouvelle du jour pouvaient fournir une justification au changement d’orientation. A condition toutefois d’oublier la sempiternelle rengaine : « en 2007, vous avez signé pour cinq ans, fermez-la ! ».
Ce qu’il y a eu de tout à fait cocasse la semaine dernière, si l’on veut bien s’amuser de tels virages, c’est que le Zapping de cette même émission, montrant quelques morceaux choisis de diverses émissions télévisées de la veille, a fait immédiatement succéder aux lamentations du jour, « il y a pénurie d’essence », des rodomontades encore toutes fraîches sur le thème « pas de problème, la situation est sous contrôle ».
En ce qui concerne la réforme des retraites, on nous donne en exemple le cas de l’Allemagne, qui aurait reporté l’âge de départ à 67 ans. On dissimule soigneusement le fait que ce report se fera progressivement, pour n’atteindre cette barre qu’en 2029. Tout comme on oublie d’indiquer que la durée de cotisation doit y être de 35 années au lieu de dépasser les 40 comme en France. Mais il ne s’agit là encore que d’omissions bénignes.
La réforme des retraites est rendue nécessaire par l’évolution de la démographie. Certes. Mais, actuellement, le taux de fécondité en Allemagne est de 1,35 par femme en âge de procréer alors que, chez nous, il est de 2, un écart considérable. En conséquence, en Allemagne, la population va, mécaniquement si j’ose dire, diminuer dans les années à venir, tandis que celle de la France va se retrouver plus nombreuse que celle d’outre-Rhin. Indépendamment de cette considération d’orgueil national, ceci implique que nos voisins allemands vont disposer de moins en moins d’actifs pour financer la retraite de leurs anciens, tandis que chez nous, une proportion satisfaisante de jeunes va engendrer de nouveaux actifs capables, surtout avec les gains de productivité qu’on oublie régulièrement, de faire face aux retraites de leurs aînés. Il est donc de la plus extrême malhonnêteté de venir brandir l’exemple de l’Allemagne pour justifier l’entreprise de paupérisation adoptée chez nous par un pouvoir imbécile.
Mais il est encore plus grave que, comme la marionnette Pinocchio, de laisser son nez grandir à force de mensonges. C’est que notre gouvernement se révèle incapable de prévoir, ce qui est pourtant la première qualité à attendre de dirigeants. Depuis l’an 2000, la natalité a augmenté en France de 10%. Est-ce vraiment le meilleur moment pour faire des coupes claires dans les rangs des professeurs ? De plus, le taux élevé de fécondité de notre pays étant surtout dû à des familles avec des traditions différentes des nôtres, seuls des efforts considérables permettront de les intégrer à notre communauté, en leur procurant éducation, logement et travail. La droite préfère sans doute les abandonner à leur misère, créer une génération de Français pleins de haine pour un système qui les méprise, pauvres que l’on maîtrisera à coups de matraques, de comparutions immédiates et de prison.
Notre gouvernement ne se contente pas de mentir, de nous abêtir avec une télévision trop souvent aux ordres, de diviser les Français. Incapable de faire face à ses responsabilités, il est avant tout criminel.