C’est Benoît qui m’avait invité à faire ce petit exercice de prospective électorale pour 2012. Les paris sur la course de lévrier commencent tôt.
Benoît, après un passage en revue très complet des différents partis, « penche de plus en plus en faveur de l’hypothèse d’un 21 avril 2002 à l’envers : un candidat de gauche et du Front National au second tour. »
Je ne suis ni devin, ni un fin connaisseur de la vie politique, ou des jeux de partis. Les querelles de personnes, les alliances, les tactiques électorales : autant de choses inévitables, donc indispensables à prendre en compte, mais qui me laissent de marbre. Je préfère les idées, la réflexion, et c’est pour cela que je ne ferai jamais de politique, de manière militante et active. Plutôt que de donner un pronostic, je préfère donc répondre par ce que m’inspire l’élection présidentielle à venir.
La multiplication des partis et des mouvements est plutôt un mauvais signe dans un système démocratique. Je pense que le bipartisme naturel est le fonctionnement normal d’une démocratie. Cela veut dire qu’il faut des partis forts, qui acceptent en leur sein des courants d’idées variés, et qui savent en faire la synthèse.
Je pense donc le premier tour de l’élection de 2012 de la manière suivante : les deux gros pôles UMP et PS seront d’autant plus forts qu’ils seront capables d’aller prendre les voix des petits satellites qui les prolongent. Le candidat de la majorité actuelle devra donc aller prendre les voix de Marine Le Pen, du MoDem et de De Villepin. De même, le futur candidat du PS devra récupérer celles de Mélenchon, et de toute la clique des verts et des extrémistes de gauche.
Ce qui m’inquiète, au final : je pense que Marine Le Pen comme Jean-Luc Mélenchon vont faire très, très mal à l’UMP et au PS. Parce qu’ils savent parler, et parce qu’ils osent être populistes, et parler directement aux gens. Les personnages ne m’inquiètent pas tellement, mais leur force est le signe du manque de vitalité de l’UMP, comme du PS.
L’UMP, comme le PS, se battent toujours avec leurs vieux démons. L’UMP est pétrifié de peur devant les intimidations de la gauche et n’ose pas se saisir durablement des problématiques qui lui avait pourtant permis de récupérer une partie de l’électorat de Le Pen : sécurité, immigration, emploi. Le PS est tenu en main par les plus rigides et les plus sectaires des socialistes : les communistes. Le PS n’a toujours pas réussi sa mutation en un parti social-démocrate moderne, pour l’économie de marché et le capitalisme.
Ces deux partis souffrent d’un manque de clarification idéologique. Ce qui est un comble, dans un pays complètement imbibé d’idéologie socialiste. Mais la gauche a réussi ce tour de force : empêcher les débats, montrer du doigt ceux qui ne veulent pas penser comme eux, afin de surtout, surtout, garder la main sur cette pièce maitresse de la politique. Tant que le corpus idéologique ne sera pas là, le reste (les jeux, les personnes, les alliances, les élections, qui pourraient être passionnants) continuera de ressembler à une caricature de querelles stériles, amenant toujours plus de monde vers les petits partis, vers les extrêmes, vers l’humeur.
Pour que le corpus soit là, il faut plus de débats, plus de débats publics, pour clarifier, partager, créer des ruptures, des convergences, forcer les prises de position. Question pour l’UMP : peut-on continuer à saper les valeurs de la société française par manque de courage, quel est le point de non-retour ? Question pour le PS : vaut-il mieux vivre dans une société inégalitaire et prospère, ou dans une société égalitaire et pauvre ?
Est-ce un hasard si les membres de la classe politique actuelle refusent certains débats ? Non, bien sûr : ils font partie d’une « élite », d’une cacocratie comme disait Marcel Meyer en commentaire l’autre jour, qui pense pouvoir se maintenir en continuant à se cacher la tête dans le sable. Et l’on voudrait nous faire croire que le temps propre de la politique est le long terme ?
Article paru sur Expression Libre, membre du Reseau LHC.