Entretien avec Simon Porte Jacquemus

Publié le 25 octobre 2010 par Littlestylebox
Je suis tombé sur le travail de Simon Porte Jacquemus au hasard de mes pérégrinations sur internet. Je me suis d'abord arrêté sur ses photos à l'esthétique 90's et au grain assumé, avant de regarder les vêtements sexy et urbains. Un look de cool girl qui a tout pour séduire la parisienne !
L'univers de Jacquemus, du style mature à la communication graphique et réussie, laisse présager une forte personnalité derrière ce créateur d'à peine 20 ans. J'ai eu envie de le rencontrer pour en savoir plus...


Est ce que tu peux me parler de ton parcours ?
Je suis venu à Paris il y a deux ans pour faire l’ESMOD, mais j’ai arrêté cette école au bout de 3 mois. J’ai trouvé un boulot comme assistant mode de Benoit Bethume. J’ai aussi assisté ID ou Paule Ka pour de la création. C’est après que j’ai décidé de créer ma propre marque.
Pourquoi as-tu arrêté l’ESMOD aussi rapidement ?
J’ai trouvé que les gens n’y étaient pas passionnés. Ils étaient là, mais sans trop savoir pourquoi. Une école, ça te pousse un peu vers le formaté. Quand je vois les défilés ESMOD, je ne vois pas une école qui me correspond. A l’école, on me disait que ce que je faisais, ce n’était pas mode. En gros, il fallait faire des robes de princesse avec des barres horizontales ou verticales. Cela rentre dans un esprit un peu arty, mais ce n’est pas ce que je voulais faire.
Et toi qu’est ce que tu veux faire ?
Je veux rendre la femme belle. Je ne veux pas déguiser la femme, la mettre en robot. Ce n’est pas aimer les femmes.
Comment tu passes du stylisme photo à la création ? C’est très différent…
Je me suis senti plus libre en lançant ma marque. Le stylisme photo c’est un peu bouché et ce n’est pas de la création pure. Je pourrais le faire parce que j’adore ça, mais pas pour mon activité principale.
Quelle est ta première collection ?
La collection s’appelle Hiver Froid, mais au final, la collection est pas trop hivernale… Il vaut mieux rajouter des collants et un bon gilet


Quelle est ton style ?
C’est dur de répondre… C’est de la mode de rue, mais en même temps, ce n’est pas du prêt à porter. Cela reste du créateur. Pour l’été, je vais être un peu plus mode, un peu plus pointu, un côté un peu moins street, mais je veux rester dans le portable.
Les créateurs qui t’inspirent ?
Je suis attaché à la marque Chloé, il y a un univers que j’aime là dedans. J’ai adoré les collections de Paolo Melim Andersson. C’était un peu pop, plus coloré. Maintenant c’est plus classique mais j’aime bien l’esprit.
D’où vient le nom Jacquemus ?
Jacquemus c’est le nom de ma mère, j’ai toujours voulu prendre ce nom de famille.
Comment signes-tu tes vêtements ?
Je ne veux aucun signe apparent. Même l’étiquette, c’est juste une étiquette bleue, il n’y a rien d’écrit. Jamais de ma vie je mettrai une marque apparente.
Un peu comme Martin Margiela…
Martin Margiela, c’est la pire hypocrisie. Je suis surbranché donc j’ai mes 4 fils blancs dans le dos. C’est beau, j’aime beaucoup leur collection mais au final c’est encore plus brandé que les autres marques.


Comment as-tu réalisé la première collection ?
J’habite à Montmartre et je suis passé devant ce petit atelier. Je suis rentré et j’ai lancé quelques pièces. C’est une femme qui travaillait pour Isabel Marant. Elle est super douée.
Et pour la production ?
Ce n’est pas complètement sûr mais quoiqu’il se passe, ce sera du Made in France, sinon je ne le fais pas.
Quel sera ton positionnement prix ?
Je veux être entre 200 et 500€. Je ne peux pas aller plus haut parce que je n’ai pas encore les matières que je voudrais avoir. J’aimerais avoir des matières plus haut de gamme, plus luxe, mais je n’y ai pas encore accès.
Comment se passe le lancement ?
J’ai dévoilé ma collection en juillet sur le site. J’ai eu des bons retours pour l’instant. Pour les points de vente, c’est un peu dur parce qu’ils avaient déjà bouclé la saison. Mais j’ai des magasins intéressés pour l’été prochain.
Pour le moment, j’ai vendu des pièces pour des commandes faites sur demande. Mais je ne suis pas toujours capable de suivre. C’est super frustrant de recevoir des mails: je veux acheter des pièces, où je peux les trouver ? et de ne pas pouvoir répondre.


Où te vois-tu dans 10 ans ?
J’espère pouvoir développer ma marque et continuer à faire ce que je veux. J’aimerais ne pas m’arrêter à faire des collections.
Après c’est vraiment flou : tu peux galérer pendant 10 ans, mais aussi cela peut aller très vite. A la fashion week, il peut se passer quelque chose. Mais je suis trop impatient. A 12 ans, j’écrivais déjà à Jean-Paul Gaultier pour qu’il me prenne comme assistant. Je lui demanderai un jour si il a lu mon courrier.
Et dans le court terme ?
Je commence à avoir des parutions sur le blog des Inrocks ou Metal magazine. Cela commence à accrocher…. J’aurai un eshop cet automne. Les pièces seront fabriquées à la demande. Il y aura 15 jours de délais. J’ai des contacts très favorables avec une boutique à Arles et Avignon. Ils vendent du Balenciaga, Marni, Margiela. Cela leur fait plaisir d’avoir quelqu’un de pas connu.
Au final, les magasins à Paris ont moins de budget pour des marques qui démarrent.
Tu vas faire des salons ?
Je n’aime pas les salons et les collections qu’on y trouve. Je ne me vois pas dans un Who’s Next… J’aime bien l’idée d’être plus souterrain.
J’ai trouvé les photos de ton site vraiment intéressantes
Les photos sont shootées au film. Il y a un grain que je trouve important. On se croirait un peu dans les années 90. Même les couleurs semblent refaites, alors que c’est 100% naturel. A peine j’ai reçu les photos, je les ai balancées sur le site. Je n’ai absolument rien retouché.
Merci Simon ! Bisous !


Plus d'infos: www.jacquemus.com