Yann se demande « si les blogueurs ne sont que de valeureux manifestants ou s’ils occupent des mandats syndicaux ou encore, s’ils sont affiliés à un syndicat ? »
D’abord je ne suis pas une « valeureuse manifestante » : le hurlement du mégaphone au fond du boulevard, le flottement de la banderole sur la marée humaine, le rap foireux du « tous ensemble, tous… », l’odeur du lacrymo, ne me fond pas bander comme certains… Je ne suis pas sensible à l’esthétique de la manif. Et je ne suis pas fana des mouvements de foule.
Pour le reste, je ne suis pas syndiquée aujourd’hui mais je l’ai été durant la première partie de ma carrière, essentiellement pour des questions de mutations : j’avais adhéré au syndicat majoritaire qui avait donc le plus de poids dans les commissions paritaires et qui s’était d’ailleurs vendu comme tel auprès des jeunes recrues dont je faisais partie… Par la suite ayant renoncé à l’idée de retrouver les bords de la Méditerranée, le crin-crin des cigales et l’odeur de la farigoulette, je n’ai plus adhéré. D’autant que les revendications et les grèves saisonnières me semblaient inefficaces et décalées. Cela n’allait jamais au fond du sujet, restait toujours un peu à coté et donnait l’impression de recycler un positionnement idéologique préétabli avec comme leitmotiv « il faut plus de moyens ». Bref j’avais l’impression que cela ne défendait pas forcément nos intérêts mais de grandes idées généreuses sur le service public et qu’au final les syndicats étaient des partis comme les autres qui avaient leur propre logique. Au bout d’un certain temps, ça lasse.
D’une certaine façon on touche peut-être là ce qu’on appelle le paradoxe français : un taux de syndicalisation très faible (8 % environ) associé à une présence importante des syndicats sur le terrain et dans la cogestion d’un grand nombre d’organismes. La DARES a publié une étude complète sur le sujet (1). On y apprend que le taux de syndicalisation a fortement baissé depuis 1949 où il était de 30% contre 8% en 2005, soit une baisse de 22 points qui s’est faite en 2 étapes, comme on peut le voir sur ce graphique :
Évolution du taux de syndicalisation (Source : DARES)
Par contre l’implantation syndicale se renforce : 56% des salariés déclarent qu’un ou plusieurs syndicats sont présents dans leur entreprise ou leur administration, contre 50% en 1996. L’implantation étant plus forte dans les grands établissements de plus de 100 salariés et de ce fait dans le public où par ailleurs le taux de syndicalisation (15%) est plus fort que dans le privé (5%). A noter que le taux de syndicalisation des cadres et professions intermédiaires a progressé au point de dépasser celui des ouvriers et employés qui régresse : 15% chez les cadres, 10% chez les professions intermédiaires contre 6% chez les ouvriers et 5% chez les employés. Aujourd’hui les catégories intermédiaires et supérieures constituent 60% des effectifs syndiqués… surprenant ! L’étude en question explique cela, d’un coté par la croissance du nombre de cadres et la dégradation de leurs conditions de travail, de l’autre par le développement des emploi flexibles (intérim, CDD…).
Les syndicats français sont donc des d’institutions à base étroite, ce qui explique peut-être l’organisation de grèves régulières sans grand effet et leur coté suiveur dans des mouvements de plus grande ampleur. Comme le dit l’étude en question :
Le syndicalisme français est donc un syndicalisme avec peu d’adhérents, mais largement représenté sur le terrain des entreprises et des administrations. Cette configuration est indissociable de la façon dont le syndicalisme s’est historiquement structuré dans ce pays : depuis la fin du XIXème siècle, le mouvement syndical s’est progressivement institutionnalisé aux côtés, d’une part, d’un État qui, tout au long de la période, est resté un acteur central de la régulation sociale au travail, et, d’autre part, de mouvements mutualistes qui se sont largement développés indépendamment des organisations syndicales, contrairement à d’autres pays.
Pour ceux que le sujet intéresse, il y a plusieurs études sur le site de la DARES.
(1) DARES, avril 2008 : Le paradoxe du syndicalisme français : un faible nombre d’adhérents, mais des syndicats bien implantés (pdf - 248.6 ko)