Les 39 marches est un spectacle décoiffant, et dans tous les sens du terme ! Hitchcock revu de fond en comble sur un mode onirique et totalement burlesque en moins de deux heures. Mission réussie par Eric Métayer qui nous raidit les zygomatiques
Les 39 marches en un spectacle fait de mimes, de montages comiques, et de trouvailles. C’est cette multiplication de petits riens qui font les meilleurs effets comiques. Donnons un seul exemple. Imaginez-vous Eric Métayer en train d’imiter des marécages, ou un buisson ! Et pourtant il le fait. Rien ne laisse indifférent quand on est en face de ce spectacle, qui est une sollicitation des sens à chaque instant, une ascension extraordinaire vers les pics du burlesque. Ni la mise en scène rythmée comme un train sifflant roulant à toute vitesse, ni le jeu des acteurs, tous excellents, ne freine cette locomotive du rire. 150 personnages Hitchcockiens interprétés en moins de deux heures. C’est une performance ! Eric Métayer, génial meneur de revue est survolté, et ses acolytes Jean Philippe Beche, et Christophe Laubion, sont éblouissants. Le seul bémol revient à la blonde, interprétée par Herrade Von Meier, jouant la parfaite idiote un brin trop caricaturale. A mon goût ça manque de mystère et d’élégance. Nous sommes certes dans le burlesque, mais ça manque de Grace .. Kelly ! Aussi faut-il un minimum de culture Hitchcockienne pour savourer ce plat à la sauce anglaise, sinon, égarement garanti !
A l’origine un spectacle anglais : « to climb or not ton climb, that is the question ! »
Le film Les 39 marches date de la période anglaise d’Alfred Hitchcock, et ça se voit. Pour ce qui est de la pièce, le mérite revient tout de même aux anglais qui l’ont monté à Londres, puis New York en a profité, où la pièce triomphe. La 500ème à Broadway en 2009! Le spectacle adapté et traduit en français par Gérald Sibleyras a gardé toute sa verve. Mais notons tout de même qu’après avoir visionné beaucoup d’extraits vidéo de la version anglaise, le show parisien n’en est en fait que la réplique parfaite, mise à part quelques détails du cru de la mise en scène faite par Eric Métayer. Cela dit, le show est vraiment extra ordinaire, et a gagné deux Molières en 2010 : de la pièce comique et de l’adaptation.
Le héros, un certain Mr Hannay : Mr Sarcasme ou Mr Seduction?
Le scénario du film est respecté, il s’agit d’un film d’espionnage. Un certain Richard Hannay (merveilleux Christophe Laubion), canadien se retrouve un soir confronté à une certaine Mrs Smith, espionne, qui monte dans son appartement et meurt, poignardée. Elle tient à la main la fiche du réseau d’espionnage « les 39 marches ». La suite est une course poursuite traversant l’Angleterre et l’Ecosse. Mr Hannay, c’est le héros hitchcockien par excellence, le « monsieur tout le monde » mis dans une situation extraordinaire, thème cher à Hitchcock. Il est bien sûr accompagné de la blonde, prise en otage dans un périple forcé. Ces 39 marches (un scénario de John Buchan) servent de prétexte à un hommage remarquable à tous les grands classiques du maître : La mort aux trousses, Les oiseaux (très beaux et hilarants clins d’oeil), L’inconnu du Nord Express, Sueur froide, Fenêtre sur cour (quel jeu extraordinaire de portes et de fenêtres qui forment le fil rouge de la pièce), Psychose, ..
Eric Métayer réveille l’enfant qui est en nous
Le spectacle Les 39 marches est le fantasme d’un metteur en scène fou et adorateur d’Hitchcock ! Et dans la version française, Eric Métayer y est tout, sauf sage ! Il est pétulant, frondeur, burlesque. Ici, tout est déconstruit, sauf le cynisme d’Hitchcock ! Moi, je retombe directement en enfance devant tant de virtuosités. Je me trouve des points communs avec Eric Métayer. Petit, il dit dans son Interview sur Première.fr (à lire ci-dessous) que son père, Alex Métayer l’emmenait voir des spectacles et des pièces de théâtre, même « compliquées ». Moi, c’était pareil, enfant unique, j’accompagnais mes parents voir des opérettes et des comédies musicales. J’en ai vu à Londres, Paris, Bruxelles, Las Vegas. C’est ma première opérette à Paris, La Belle de Cadix, qui à 7 ans m’a donné le goût du spectacle. Depuis, je n’ai pas arrêté d’aimer la scène. Et comme lui, je jouais tous les personnages à la fois dans mes jeux de poupées, de cow-boy, ou d’indiens. D’où mon imagination débordante. C’est pourquoi ce spectacle m’a enchantée, et provoque une certaine résonance en moi.
Oui, devant Les 39 marches, je suis à nouveau un enfant, émerveillé, nature, sensible à ces décors faits de cartons pâte et de bric-à-brac, où les mots sont les guides d’un imaginaire tout puissant, et où tous les artifices sont moribonds. Je suis à nouveau en face d’un Harry Langdon, d’un Chaplin, des Marx Brothers, d’un Jerry Lewis. Je suis face à la grande histoire du music-hall et des comiques américains : tout est dans le trench, et la moustache !
« Le théâtre c’est la vie, ses moments d’ennui en moins » Alfred Hitchcock
Les 39 marches au Théâtre La Bruyère, de John Buchan et Alfred Hitchcock
Adpatation de Patrick Barlow
En accord avec Edward Snape pour Fiery Angel Limited
Concept original de Simon Corble et Nobby Dimon
Adaptation française de Gérald Sibleyras
Mise en scène d’Eric Métayer
Avec Eric Métayer, Jean-Philippe Beche, Christophe Laubion, Herrade von Meier
A lire : Interview de Alex Métayer sur Premiere.fr
Crédit photos : webguichet.com; lefigaro.fr