Bien sûr, mais comme nous le savions, c’était plié d’avance, il était clair que Nicolas Sarkozy ne reculerait pas, et pour une fois, il y a de la cohérence dans cette attitude, de ce que d'aucuns ont qualifié de « ligne dure », et cette attitude porte un nom intranquille : la rupture !
Car il nous l’avait promise, n’est-ce pas, lors de sa campagne présidentielle, la rupture, à commencer par celle d’avec ses prédécesseurs (« des rois fainéants ») mais aussi avec un héritage qu’il souhaitait « liquider », celui de Mai 68.
Or donc, qu’il cède à la rue, aux blocages, à la contestation, alors qu’il avait fait de cette réforme des retraites, paraît-il, la « pierre angulaire » de son quinquennat, et c’en était fini pour lui. Je veux dire de ses chances de briguer (victorieusement) un second mandat.
Certes, et beaucoup se sont follement amusés à le rappeler, elle n’était pas au programme, cette réforme des retraites. Et Sarkozy lui-même l’avait précisé, très exactement le 27 mai 2008 sur l’antenne de RTL : « Ce n'est pas un engagement que j'ai pris devant les Français, je n'ai donc pas de mandat pour faire cela. Et ça compte, vous savez, pour moi.». Il aura fallu une crise « sans précédent » pour qu’il fasse ce qu’il n’avait pas dit, lui qui pourtant, et plus d’une fois, aimait à chanter ce refrain : « Je ferai ce que je dis, je dis ce que je ferai. ». Accordons-lui le fait que depuis son élection, les données ont changé. Qu’au vu des déficits (abyssaux) se creusant, il fallait effectivement une réforme. Tout autre que lui, l’aurait engagée. Le nier, serait être aveugle, sourd et borné.
Sauf que, les manifestants, soutenus par les 2/3 des français, n’étaient pas contre une réforme des retraites mais son contenu. Contre un texte injuste, « mal fichu », bricolé à la va-vite, sur fond de bouclier fiscal et pénalisant encore une fois les classes moyennes, soit : la France qui se lève tôt !
Et quand j’entends certains éditocrates, ces jean-foutre grassement payés, nous seriner que non seulement contester par quelle que forme que ce soit ne sert à rien, mais que de surcroît, cela renforce copieusement Nicolas Sarkozy en points Smiles en vue de l’élection présidentielle, ça me titille grave les arpions, je bouillonne au carré, à ce point qu’il ne faudrait pas trop me pousser pour que j’enfile une cagoule et lève une armée de casseurs nouvelle génération en bonne et due forme ! Car, y’a tout de même des limites au foutage de gueule et du peuple !
Qu’aurions-nous dû faire, alors ? Restez sagement chez nous à regarder les trains de riches passer ?
Non Marcel, ne va pas manifester, ni bloquer la raffinerie, t’es con ou quoi, ne sais-tu pas qu’en agissant de la sorte, tu fais le jeu de Nicolas ? Eh oui ballot, en contestant, tu favorises sa réélection ! Achète-toi un cerveau, Marcel, ne vois-tu pas que c’est un horrible piège que l’on te tend !
Non mais ça va pas non ? Depuis quand ce genre de considérations de salons cossus du XVIè arrondissement de Paris ou de plateaux télévision à la noix de Chabot ou de Denisot entrent en ligne de compte dans la colère du peuple ?
Que Nicolas Sarkozy joue aux échecs avec l’électorat, principalement le sien, ça le regarde, mais nous, c’est pas notre affaire ! On s’en bat les cacahuètes. Une réforme de retraites, oui, on en veut bien, because on voudrait bien la palper le moment venu, mais de celle-là, on n’en veut pas. Et on le fait savoir ! ... Et pourquoi ? ... Parce que nous sommes dans une démocratie. Que la grève est un droit. Et que l’identité nationale française, celle dont on nous a rabattu les oreilles et le reste, elle est aussi là, dans cette formidable propension à se rebeller, à dire non, dès qu’une injustice montre le bout de son museau, dès qu’on voudrait nous y faire passer des vessies pour des lanternes.
Les éditocrates, ceusses qui n’ont jamais été fichus de pronostiquer quoi que ce soit, à commencer par Jean-Marie Le Pen au second tour d’une présidentielle, ou Marie-Ségolène Royal candidate « crédible » du PS, et je ne parle même pas de la crise qu’ils n’ont pas vue venir (alors qu’elle se radinait chaussée d’énormes sabots de sept lieux) voudraient nous faire avaler qu’en contestant haut et fort cette réforme des retraites nous ferions le jeu de Nicolas Sarkozy, nous le renforcerions, et lui (re)donnerions des chances de remporter l’élection présidentielle de 2012 ? Alors que nous ne sommes qu’en octobre 2010 ! Mais qui sait ce qu’il peut se passer d’ici à 2012 ! Tant de choses, et peut-être pas des plus joyeuses !
Qui plus est, outre nous prendre pour des benêts de compétition, c’est aussi prendre Sarkozy pour un simplet, ce qu’il n’est pas. Ce mec-là a bien d’autres cartes à abattre : la présidence du G20, bichonner et tu vas voir comment, le troisième et le quatrième âge, nous raboter une réforme fiscale dont tu me donneras des nouvelles, et comme de bien entendu, si ça ne suffit pas, en remettre une louchée sur la sécurité et l’identité nationale. Tout est déjà dans les tuyaux, bien ficelé. Alors à d’autres, les élucubrations à balles deux !
D’autant plus que c’est peut-être l’inverse qui risque de se produire. Ce qui n’a pas été pris en compte par ce gouvernement d’ultra-droite, peut très bien se retrouver en 2012, dans les urnes, sous la forme d’un vote massif et protestataire. Oui, peut-être bien que ces manifestations et ces blocages n’étaient qu’un hors-d’œuvre ! De l’amuse-gueule !
Et quand j’écrivais qu’il ne fallait rien lâcher, je pensais à cette échéance, la présidentielle.
A partir d’aujourd’hui, il faut mobiliser, à tous les niveaux (y compris sur Internet) travailler d’arrache-pied pour que cette contestation se traduise par la voie du suffrage universel. Autrement dit, ne pas penser que c’est perdu, foutu, comme on voudrait nous le faire croire, ne pas bouder les urnes en 2012, mais les « bourrer » de nos votes protestataires.
Certains vont geindre leur mère, le PS notamment, en appelant, vous verrez, au « vote utile », évoquant la menace (ah ! le fameux spectre éternel du 21 avril) mais là encore, ce n’est pas notre tambouille ! A eux de se démerder à être solides, forts et convaincants, et surtout : de gauche ! S’ils ne le sont pas, alors tant pis pour eux !
Que Nicolas Sarkozy n’ait pas reculé d’un iota sur le dossier des retraites, c’est normal. Il n’avait pas le choix.
Mais nous, non plus.
Et quand on est fort du soutien des 2/3 de la population, notre devoir c’est de transformer l’essai.
Or donc, en avril/mai 2012.