L’affaire Woerth Bettencourt menace sérieusement les fondements de la présidence de la république. Dommage collatéral d’une banale affaire familiale, Nicolas Sarkozy est explicitement visé par les témoignages de financements illicites de sa campagne présidentielle de 2007. La réaction du pouvoir est compréhensible, mais son ampleur et les moyens déployés constituent une deuxième affaire d’Etat aussi grave que la première qu’ils tentent de dissimuler.
Si Nicolas Sarkozy n’est pas directement responsable des graves dérives auxquelles nous assistons, ce que j’espère, son entourage proche l’implique naturellement dans ces histoires. Depuis l’origine, le procureur Courroye bataille avec la juge Prévost-Desprez pour lui retirer l’enquête. Lui dépend du Parquet, c’est à dire du Garde des Sceaux… et assez vite de la présidence de la république qui a tendance à contrôler ces sujets sensibles. Elle, en revanche, ne dépend de personne et peut avancer avec une réelle immunité. En principe seulement.
Pour ne pas permettre aux témoins de dévoiler les aspects de ce qui prend la forme d’une grave affaire d’Etat, le juge Courroye joue contre la montre pour bloquer les investigations non seulement de la presse, mais aussi de la magistrate. Sans être un expert en droit (je compte sur Me Eolas pour nous éclairer), les procédés du procureur me paraissent profondément choquants. Nous ne sommes pas en présence d’une affaire de terrorisme qui mettrait des vies en jeu, ni de grand banditisme exploitant des réseaux de mineures. Dans le cas qui nous préoccupe, il s’agit de fraude, de corruption politique. Un procureur soumis à l’autorité politique peut-il user de tous les moyens pour tacler ceux qui cherchent la vérité dans une affaire bien sombre ?
Evidemment non. Déstabiliser la présidence n’est pas un motif suffisant pour permettre de telles intrusions dans le travail de journalistes ou de magistrats. C’est pourtant ce qui est en train de se passer. La juge Prévost-Desprez risque de perdre l’enquête au profit du procureur qui veut en reprendre le contrôle. Dans un tel contexte, les électeurs qui ont un minimum d’exigence éthique vont avoir de plus en plus de mal à défendre la candidature d’un homme qui a trahi ses engagements, n’a pas réformé le pays dans le bon sens en faisant exploser les impôts et la dette, sans assouplir le marché de l’emploi, sans faire reculer la bureaucratie qui bride la vie et le développement de nos PME.
Enfin, lorsque l’affaire de Karachi prendra de l’ampleur, de quelles nouvelles limites le chateau devra-t-il s’affranchir pour protéger le président ?
Article repris du blog d’aurélien Véron avec l’aimable autorisation de son auteur.