L'écho de Basquiat ne cesse de résonner dans l'espace médiatique et ce n'est qu'un début. Tout d’abord en raison de sa rétrospective au musée d’Art Moderne de la ville de Paris, puis de la sortie du film Basquiat, The Radiant Child, de Tamra Davis, l’une de ses proches. Mais surtout parce qu’il rejoignit en s’éteignant à 27 ans le panthéon des Peintres, trônant ainsi aux côtés de Goya, Picasso, Dali ou encore Warhol. Car l’artiste au destin tragique est probablement le dernier Grand illustrant la chronologie des artistes devenus immortels. Son oeuvre constitue le point de jonction entre deux époques, deux courants, deux visions. Basquiat ou le dernier peintre de la modernité et le premier d'une nouvelle époque: la notre
Rien de plus révélateur que les deux célèbres amis du peintre que furent Andy Warhol et Madonna.
Le premier marqua l’avènement d’un art nouveau, en rupture complète avec l’art abstrait et non figuratif de son temps, et l’émergence d’un nouveau tempo artistique. Fini les abstractions des surréalistes ou d'un pollock, son art comportait des références et revendiquait même une attache au « réel » avec ses portraits de star et de produits manufacturés.
Basquiat représenta justement un certain compromis entre ces deux exigences. D’un côté son style honora Dali ou Picasso, qui furent de grandes sources d’inspiration, au vu des formes abstraites qui parsèment ses toiles. Les traits sinueux tracent des contours souvent familiers mais qui néanmoins ne peuvent être immédiatement identifiés. Tout au mieux peut on y ressentir les influences africaines et expressionnistes.
Cependant ces motifs renvoyaient à des images précises en rapport avec ses origines haïtiennes, son expérience dans la rue, ou son addiction à l’héroïne. Masques, voitures de police, boxeurs (noirs), chanteurs (noirs), logo copyright, son œuvre contient une profusion de symboles liés à la modernité qu’il s’agit de déchiffrer comme un inconscient. Là se situe l’héritage Warholien : dans l’usage de ces symboles par lesquels se diffusèrent ses messages (sur la condition des afros-américains notamment).Pour cette raison son style fut souvent qualifié « d’expressionisme abstrait ».
La seconde représente l’émergence de MTV, de la « street culture », et de l’industrialisation de la pop. Au début des 80's une esthétique nouvelle s’esquissait sous les clips, les musiques neuves comme le rap et l’électro, ou encore le graffiti qui inscrivait ses lettres d'encre aux périphéries des grandes métropoles américaines.
Justement Basquiat fréquanta longtemps le New York underground, ses clubs poisseux, ses atmosphères frelatées, et arpenta ses rues à graffer inlassablement son emblématique signature « SAMO © » (littéralement "Same Old Shit". Très hip hop non?).
Pionnier de cette discipline auparavant exclusivement réservée aux activistes de pays occupés ou en guerre (Irlande…), celui-ci la sortit de la rue pour la placer dans les locaux chics des galeries huppées de la Grosse Pomme en essayant de préserver son aura subversive. Cette expérience imprégna chacune de ses toiles où on reconnaît le geste nerveux et la disproportion si caractéristique du graffiti (faire vite pour ne pas se faire attraper).
Sourire aux lèvres, Basquiat et Madonna contemplaient alors ces années 80 qu’ils marquèrent d'un sceau si aisément reconnaissable. La chanteuse y survécu, pas le peintre qui mourut d’une overdose en 1988.
Basquiat, en tant que rejeton légitime, retranscrit l’âme des 80’s au travers de toiles jonchées d'un symbolisme moins abstrait qu'il n'en paraît. Doté d’une technique issue des peintres abstraits, d’une symbolique inspirée du « pop art » et d’une esthétique importée du graff, l’artiste synthétisa de son pinceau le passé, le présent et le futur, sans ne jamais vraiment savoir où regarder. Incapable de choisir, le destin s'en chargea. Mais notre regard, lui, se tourne vers son héritage...Définitivement.