Après Badlands (1973), Days of heaven (1978) et The thin red line (1998), Terrence Malick nous offrait en 2005 l'un des plus beaux films de la décennie écoulée.
A la fois ode à la nature d'une beauté fulgurante, réflexion sur la place de l'homme sur Terre, sa relation à son environnement, interrogation sur l'âme dans son acception la plus globale, dépassant l'aspect animiste pour toucher aux liens étroits unissant toute forme de vie, Le nouveau monde éclabousse la rétine par sa beauté plastique et éclaire l'âme d'une lumière à la fois sensitive et métaphysique.
Relatant l'histoire d'amour entre Pocahontas (troublante Q'Orianka Kilcher) et le colon John Smith (Colin Farrell, d'une sobriété qu'on ne lui connaissait pas), le film envoûte dès les premières images, pour ne plus lâcher nos sens avant la fin du métrage.
Rendant palpables des notions existentielles sur la place de l'homme au sein d'une nature matricielle, Mallick parvient à servir un propos extrêmement fort sur le lien étroit unissant l'homme à son environnement, l'un et l'autre partageant fondamentalement une âme commune, avec une propension poétique dans la mise en scène justifiant l'aspect spartiate des dialogues et la prégnance de l'image et du son sur toute autre forme de narration.
Par ailleurs, le metteur en scène propose un montage extrêmement audacieux (les ellipses sont légion mais ne viennent jamais entraver la compréhension du récit), cadencé par des voix off dont la musicalité se rapproche d'emblée d'une mélopée poétique, illustré par des images d'une beauté à couper le souffle (Malick est certainement le réalisateur qui sait le mieux filmer la nature). Sauts dans le temps, coupes abruptes, pensées des protagonistes prenant le pas sur le dialogue proprement dit, la structure formelle du Nouveau monde dépasse la narration classique et tente (et réussit) de s'adresser directement au coeur et à l'âme, laissant l'intellect de côté.
Terrence Mallick développe en outre une histoire d'amour bouleversante dépassant le cadre de la simple relation humaine entre Pocahontas et John Smith (et plus tard le personnage incarné par Christian Bale), en proposant une philosophie extrêmement forte faisant de la victoire de la vie sur la fatalité la plus importante des considérations, élevant ainsi son propos bien au-delà du simple récit amoureux, au demeurant d'une finesse et d'une justesse rares.
Dans le rôle de Pocahontas, Q'Orianka Kilcher excelle à exprimer la fragilité, la profondeur et le trouble d'un personnage d'une extrême richesse, dont le parcours intérieur l'amènera à exprimer l'aboutissement de ses réflexions métaphysiques dans une réplique qui fermera la boucle (du film et de la vie), dans une fin poignante à émouvoir le plus cynique des spectateurs.