1. Borloo ne tient jamais tête. Quand une décision lui déplaît, il se couche ou se cache. Pendant la séquence insécuritaire de l'été dernier, Borloo s'est fait discret. Pas un mot, pas un bruit, aucune réaction.
2. Borloo positive en permanence. A l'inverse d'un François Fillon qui cultivait son image austère et sérieuse (les « caisses sont vides » annonçait-il dès septembre 2007), Jean-Louis Borloo adore positiver. Avec lui, toute décision est formidable, incroyable, révolutionnaire. Quand le sommet de Copenhague échoue lamentablement, Borloo célèbre « un succès majeur ». La voiture électrique ? C'est sont « bébé ». Le Grenelle de l'environnement, vidé de sa substance par l'absence de moyens et de contraintes ? Une « révolution ». Borloo a l'enthousiasme facile. Vis-à-vis de son chef, cette « positive attitude » le fait ressembler à un incroyable béni oui-oui du sarkozysme vieillissant.
3. Borloo a l'image d'un centriste écologiste. Une simple image, cultivée très tôt quand il participa, en 1990, à la création de Génération Ecologie avec Brice Lalonde. En 1992 dans le Nord-Pas-de-Calais, il défendait une alliance centriste/écolo/socialiste. Son image écolo a été un temps renforcée par son actuel ministère. Mais il assume les autoroutes, la diplomatie nucléaire de son président, l'abandon de la taxe carbone, les concessions accordées aux producteurs d'OGM, l'obstruction anti-écolo des eurodéputés UMP au Parlement européen. Côté social, il fallait entendre, pour le croire, Borloo justifier les réquisitions contre les grévistes des raffineries la semaine dernière : « le rôle d'un gouvernement, c'est de garantir le droit de grève, de garantir le droit de manifester, de protéger les manifestants (...) mais en même temps, le droit de circuler, le droit de travailler sont des droits également importants, donc il faut toujours faire la synthèse. »
4. Borloo est toujours fidèle avec celui qui tient le manche. En 1993, il est élu député divers droite, en plein raz-de-marée antisocialiste; en 1998, il se rallie à l'UDF et au RPR. En 2002, il est avec Chirac; en 2007, avec Sarkozy. La rupture, ce n'est pas pour lui. Ministre de la ville (2002-2004), puis du Travail (2005), puis des Finances (pendant un mois, en 2007), puis au Développement durable (2007-2010), sa longévité ministérielle n'a d'égale que son ambition, discrète mais assumée. Quand Michèle Alliot-Marie rappelait, elle aussi, ses ambitions pour Matignon voici 15 jours, Borloo la tacle. Pas touche ! Le poste lui est promis. La main sur le coeur, il assure ensuite que Sarkozy ne lui a rien proposé, ni directement, ni indirectement. Il a changé sa coupe de cheveux et ses costumes. Gaffeur, il a même appelé certains conseillers de Fillon pour leur demander s'ils souhaitaient rester à Matignon après le remaniement. En coulisses, il soigne sa communication. Cette année, il a fait fermer le musée de l'informatique et du jeu video, en haut de l'Arche de la Défense, pour conserver les lieux pour organiser des réceptions, cocktails et conférences. Coût de l'opération : 17 millions d'euros de travaux.
5. Borloo est à l'aise avec les affaires. Sarkozy n'a rien à craindre du président du Parti Radical. On ne l'a d'ailleurs pas beaucoup entendu sur l'affaire Woerth, à l'inverse d'un Alain Juppé qui, très tôt, avait suggéré à l'ancien trésorier de l'UMp de clarifier ses fonctions. Ancien avocat d'affaires de Bernard Tapie, l'homme s'est fait connaître en devenant, dans les années 80, l'un des spécialistes du conseil en reprise d'entreprises en difficulté. L'essentiel de sa fortune est venue de ses années-là, lorsqu'il conseillait Bernard Tapie.
6. Borloo oublie facilement les échecs, assume très bien les pirouettes. En 2003, il promettait une France propriétaire, un slogan repris par Sarkozy en 2007 ; créait l'ANRU pour rénover les banlieues, mais 7 ans plus tard, rien n'a vraiment changé : à peine 8% des crédits prévus en 2003 avaient été débloqués à fin décembre 2007. Plus tard, avant le sommet de Copenhague, il chiffrait à 276 milliards d'euros les besoins financiers des pays les plus fragiles face au réchauffement climatique. Sur cette somme, l'Union Européenne s'engageait à 7 milliards d'euros sur 3 ans. Mais Borloo était toujours enthousiaste. Chef d'orchestre du Grenelle de l'Environnement, il s'est planté sur le sommet de Copenhague, en décembre 2009. Mais il fallait l'entendre défendre sa loi Grenelle 2, en juillet 2010, un immense paquet administratif qui apporte peu de contraintes nouvelles, aucune mesure de financements, aucune interdiction sérieuse. Autre exemple, le plan de relance de 2009 prévoit de nouvelles autoroutes et néglige complètement le Grenelle de l'environnement (à peine 600 millions d'euros de mesures), le ministre botte en touche. C'est encore Borloo qui propose de détricoter une belle partie de sa fiscalité verte, pour 2 milliards d'euros d'économies, dans le projet de loi de Finances 2011.
Parfait, Borloo l'est assurément. Un premier ministre sans souci, sans complexe, une espèce de Brice Hortefeux du centre-droit. Tout un programme !