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Clint Eastwood, à 80 ans, effectue ses premiers pas en terre ésotérique, peut-être lui-même hanté par une vague de questions sur la vie et la mort (que se passe-t-il après ? comment accepter le deuil ? comment concevoir sa propre disparition ?), ou peut-être tout simplement fasciné par le drame humain, et la richesse thématique, que contenait le scénario choral de Peter Morgan (The Queen, The Last King of Scotland, Frost/Nixon). Trois protagonistes, trois continents, trois différentes façons d’aborder le sujet de la mort, et ses conséquences. Eastwood suit les destins de Marie, traumatisée par le tsunami qui a secoué l’Asie du Sud-Est, et survivante d’une expérience de mort imminente ; de Georges, prisonnier de ses facultés de clairvoyance et jugeant ses dons de médium en sournoise malédiction ; et de Marcus, enfant endeuillé par la perte tragique et soudaine de son jumeau. Il prend, comme toujours, son temps. Posant, doucement, tendrement, sa caméra autour d’eux, pour tirer le meilleur de ses personnages, de ses acteurs, se concentrant bien plus (et à raison) sur l’émotion que sur le sujet du surnaturel. Le cinéaste présente les choses avec la simplicité des plus grands, et le calme inhérent à la sagesse qu’on lui connaît : pas un mot plus fort que l’autre, pas de scènes versant gratuitement dans l’esbroufe, mais, uniquement, une belle et dérangeante réflexion sur ce qu’il vient après. Si le film peut paraître linéaire, respectant un ordre de passage redondant (partie française, américaine, puis londonienne), Eastwood force le respect, comme toujours, en livrant des séquences émotionnellement intenses, qui jaillissent toujours de nulle part, et qui hantent l’esprit, bien après la séance. Son héros (Matt Damon, excellent) rappelle alors ce qui semble être devenue la figure masculine favorite du cinéaste ces temps-ci (cf. Gran Torino, Invictus) : soit un homme simple, un homme de cœur, un homme qui souffre pour mieux décider ensuite de se consacrer aux autres. A la manière de l’Ebenezer Scrooge de Dickens, dont les lignes viennent ponctuer un récit troublant, réfléchi, entêtant.
(France : janvier 2011).