Dans un récent article, du mensuel Alternatives Economiques, il est évoqué les différentes pistes pour espérer sortir du chômage de masse. L'économie verte y est considéré, comme dans de nombreux articles, comme la piste la plus féconde. L'"économie verte" devient, de plus en plus, le nouveau sésame de l'espoir d'une croissance retrouvée. A quelle condition peut-elle jouer ce rôle qu'on lui prête?
Dans cet article, chômage : comment s'en sortir?, l'auteur, Guillaume Duval, remet en perspective trente cinq ans de lutte anti-chômage expliquant les impasses que constituent les différentes pistes explorées: l'espérance vaine d'une croissance retrouvée, l'illusion de la flexibilité du marché du travail, l'abaissement du coût du travail et ses ... coûts cachés. La réduction du temps de travail lui semble une piste pas assez exploré, au-delà de l'expérience mitigée des 35 heures. Seule, la conversion de l'économie à l'écologie lui semble une voie porteuse, certaines études annonçant un potentiel de 600000 créations d'emploi en France en 10 ans.
Première remarque : un demi-million d'emploi, c'est bien, mais cela ne réglera pas le problème de fond, car l'enjeu se situe plutôt autour de plusieurs millions d'emplois à (re)trouver. Cette question est cruciale : on peut chercher une nouvelle niche de croissance ponctuelle après celle des nouvelles technologies des années 2000, ou, préférer changer de modèle, de braquet et trouver un modèle de croissance qui serait l'équivalent du fordisme, déployé dans les années cinquante. Il faut donc se poser la question des objectifs que l'on se donne avec cette "croissance verte" : simple bulle technologique ou révolution économique? L'état déliquescent de l'Europe incite plutôt à chercher à atteindre le deuxième objectif plus ambitieux.
Soyons plus concret. Si le but d'une politique verte est de réduire en priorité les émissions de CO2, on peut avoir une politique de construction systématique de centrales nucléaires. Leur construction améliorera, pour un temps, le taux de croissance et créera des emplois, mais une fois construite, le soufflé retombera.
Cet exemple est certes caricatural mais il résume assez ce qui se joue : on cherche des emplois durables et nombreux et non quelques niches éphémères.
Les politiques d'installation d'éoliennes géantes relèvent de la même logique (ce qui ne veut pas dire qu'elles soient inutiles). Les incitations à l'installation de panneaux photovoltaïques révèlent un autre travers : les chinois ayant gagné, une fois encore, la bataille industrielle de leur fabrication, ce gisement d'emploi se révèle limité à celui de leurs installateurs. Dernier frein : pour construire une politique verte, il faut des capitaux et l'Europe (les Etats, les particuliers et les entreprises) n'en ont guère.
La bataille est-elle alors définitivement perdue? Je ne le crois pas pour plusieurs raisons :
1-Le coût de l'économie carbonée, basée sur les hydrocarbures, est élevé : entre 40 et 70 milliard de balance commerciale déficitaire pour un pays comme la France. J'ai calculé que cet argent représente, converti en emploi, entre 1,5 et 2,5 millions d'emplois. On est bien dans une révolution économique: si nous arrivons, en quelques décennies, à créer une société débarrassée de son addiction au pétrole, on réinjecte ces milliard dans nos économies. Si cet réinjection se fait dans des secteurs fortement créateurs d'emplois verts pérennes, le pari peut être gagné.
2-Ces secteurs ne doivent pas se limiter à quelques grands travaux. Il s'agit d'une nouvelle logique économique où les énergies renouvelables, le recyclage des matériaux et des ressources, les circuits courts sont des gisements d'emplois pérennes, (re)distributeurs de revenus aux différentes acteurs économiques. La diffusion de ces technologies va permettre la diffusion de l'équipement des entreprises et des ménages. Cette massification de systèmes écologiques pérennes dans tous le domaines (énergies, mobilités, immobiliers, viabilisation, etc...) sera le moteur d'une croissance économique durable puisque ces équipements devront être entretenus.
3-Comment réinjecter l'argent de l'économie carbonée vers l'économie verte? En créant une fiscalité innovante, novatrice dont la seule fonction sera d'"amorcer la pompe" de l'économie verte.
De quoi s'agit-il? En taxant l'ancienne économie carbonée, on transfert la totalité de cet argent taxé vers l'économie verte, au profit des ménages et des entreprises qui entreprendront des projets d'équipements verts. Cette taxation ne se voudra pas punitive, elle sera très faible au début, et n'augmentera que progressivement. Cette démarche, celle des contributions incitatives, peut être un des moyens pour déclencher cette révolution économique verte qui nous fera sortir du marasme continu que nous connaissons depuis plus de trente ans.