Difficile d’avoir fait partie des DC Snipers, puis se faire appeler Mike Sniper tout en s’exposant à visage découvert. Avancer masqué, le maître mot pour viser juste. Et en rafale. C’est ainsi que depuis presque quatre ans l’inusable New-Yorkais conjugue activisme do it yourself et stakhanovisme artistique, empilant sans ciller les jalons de fondateur émérite de la structure Captured Tracks, au catalogue de sorties irréprochable, en plus de ceux liés à son projet Blank Dogs, déjà responsable d’une discographie pléthorique dénombrant pas moins de trois albums, On Two Sides (Sacred Bones, 2008), Under and Under (In the Red Records, 2009) et, depuis le 12 octobre dernier, Land and Fixed, en sus d’une pluie de maxis sortis sur différents labels, dont les récents Seconds et Phrases parus respectivement en 2009 et 2010 sur Captured Tracks. Par commodité, on passe ici sous silence les nombreuses collaborations du jeune homme au sein de groupes plus ou moins durables et formels - dont Roman Soldiers (Warmer, Sacred Bones, 2009) avec Gary War, increvable baroudeur cold-pop, ou encore The Mayfair Set (Young One, Woodist, 2009) avec Kristin Gundred des Dum Dum Girls d’I Will Be (Sub Pop, 2010) - mais une chose est sûre : Mike Sniper n’est pas prêt de se reposer sur les lauriers fraichement glanés auprès de la critique et de ses pairs. Tel un symbole d’une imperturbable effervescence musicale, radicale et indépendante, jouant tout à la fois sur les vieux formats (cassette et vinyles en tête) et les nouveaux modes de transmission instantanée de la musique en ligne (téléchargement, blogosphère), il réincarne à brûle-pourpoint, par ses velléités cold-wave, l’ensemble des fantômes post-punk dissipés à l’orée des années quatre-vingt-dix. Ses deux premiers albums, perclus de voix caverneuses et de saturations corrodées, ont réouvert la boîte de Pandore là où les psalmodies cafardeuses de The Cure et Joy Division l’avaient fermé au tout début des années quatre-vingt : en plein effroi, taillé dans un son brut, presque industriel. Entre hommage passéiste et relecture numérique il n’y a qu’un pas que Blank Dogs s’empresse d’emboîter sans même se justifier, l’addiction auditive provoquée chez l’auditeur averti par On Two Sides et Under and Under renâclant elle-même son propre lot de réponses évasives. C’est d’ailleurs ce mimétisme sur les entournures, robustement chevillé à une singulière efficacité mélodique, que l’on retrouve sous une autre expression avec Land and Fixed, album aux sonorités synth-pop plus évidentes et à la production moins effrontément lo-fi. L’algarade ne s’apparente plus seulement à une forêt de distorsions viciées et hantées, s’accaparant désormais l’apparence d’un nouveau manifeste new-wave transpercé de part en part de claviers, oscillant entre lignes accrocheuses et nappes atmosphériques, de guitares à la parcimonie salutaire et de vocalises à la gravité assumée. Moins figé, peut-être plus enjoué, Land and Fixed égraine une vision plus contrastée d’un univers musical révulsé d’angoisses, esquissant par le biais du microsillon son ordonnancement cardinal, entre hymnes synthétiques rondement exécutés (Goes By, Northern Islands, Insides), habiles constructions cold-pop (Blurred Tonight, Another Languages), indolentes déflagrations à l’électricité roborative (All Around, Through the Wall) et fragile complainte touchante de sincérité (Treelines).
Tracklist
Blank Dogs - Land and Fixed (Captured Tracks, 2010)
1. Goes By
2. Collides
3. Longlights
4. Northern Islands
5. Insides
6. Blurred Tonight
7. Languages
8. Elevens
9. Out the Door
10. All Around
11. Through the Wall
12. Treelines