Mini-série en six épisodes publiée chez Avatar Press et réalisée en compagnie de Jacen Burrows (son compagnon sur 303), celle-ci conte la vie d'un type a priori comme les autres, Danny Wormwood, mogul des médias aussi successful que mal vu (les séries que sa chaîne produit rime avec trash et cynisme), qui coule des jours heureux avec une femme de rêve tout en la trompant de temps à autre. Ok, il y a plus ordinaire qu'une vie marquée par l'ambivalence et l'accomplissement de l'american way of life, mais ce n'est rien comparé à ce qui sous cache sous le costume et la prestance du bonhomme. En effet, Danny est l'Antéchrist en personne, celui qui doit lancer l'Armageddon, né de l'accouplement forcé d'un chacal et d'une pauvre humaine... Son lapin parle, boit de l'alcool et adore torturer psychologiquement les geeks accrocs à Star Wars, son amante est (la cochonne) Jeanne d'Arc et son meilleur pote est un black coiffé de dreads et légèrement décalqué par une altercation avec le L.A.P.D., prénommé Jay mais plus connu sous le nom de Jésus (lui-même). Dernier signe particulier de Danny : il refuse d'accomplir ce que son Satan de père attend de lui. Son ami aussi d'ailleurs, ce qui est moins étonnant quand on constate que Dieu est un décérébré adepte de l'onanisme et que le pape (Pope Jacko) a des penchants orgiaques, pactise avec l'ennemi et se contrefout pas mal de son rôle.
Déjanté, parcouru de saillies gores, de séquences olé-olé plutôt explicites et troussé dans un langage de charretier qui ravira les lecteurs désireux d'étendre leur argot anglophone, Chronicles of Wormwood n'est pas à mettre entre toutes les mains et peut sembler d'une gerbante idiotie. Et bien non, car même si les percées critiques du sieur Ennis enfoncent des portes ouvertes et se répètent, il évite presque complètement les charges puériles qui plombent le pourtant sympathique The Boys. Chronicles of Wormwood surprend ainsi par la finesse du portrait qu'il peint et son regard sur les relations amoureuses, par la rigueur de ce qui s'y trame et par son économie : quelques scènes chocs, une louche de gags graveleux, un discours anti-conformiste un rien bourrin mais pas d'action tapageuse, de cliffhangers à deux balles... C'est toujours ça de pris, d'autant que la patte Ennis fait toujours son effet (les dialogues sont croquignolets), que Jacen Burrows s'en sort bien sans être divin (il a d'ailleurs quelque chose de Steve Dillon, dessinateur de Preacher, au niveau de l'expressivité de ses personnages) et que le TPB est complété par les couvertures originales et (en petit) les variantes wrap. Mais bon, ça, c'est la routine quand on a le bon goût de préférer les éditions reliées aux numéros réguliers gavés de pubs.
Chronicles of Wormwood (Avatar Press) - 2006-2007