Le droit d’ignorer l’État

Publié le 23 octobre 2010 par Copeau @Contrepoints

Le droit d’ignorer l’Etat ou le droit de rompre tout lien avec l’Etat, est la thèse de Herbert Spencer (philosophe et sociologue du XIXe siècle) qui en fait sa condition sine qua non à l’affirmation du principe de la liberté individuelle dans une société et plus particulièrement une société démocratique.

Au centre de sa thèse se trouve le principe d’égale liberté. Cette notion correspond à ce que  » chaque homme a la liberté de faire tout ce qu’il veut, pourvu qu’il n’enfreigne pas la liberté égale de quelque autre homme « . Ainsi le principe d’égale liberté découle d’une égalité de droit : celui du droit naturel des hommes au respect de leur vie et de leur volonté, en un mot, de leur liberté.

Selon Spencer toutes les institutions doivent être subordonnées à la loi d’égale liberté. C’est particulièrement le cas dans nos démocraties où la constitution est basée sur la déclaration les droits de homme et du citoyen ( » tous les hommes naissent ‘libres’ et ‘égaux en droit’ « ).

Comment se justifie alors le droit d’ignorer d’Etat ? Essentiellement pour se protéger des intrusions arbitraires de l’Etat. Pour Spencer comme pour Bastiat, l’Etat n’emploie que la force, la violence contre les individus afin de faire respecter les lois.  » L’Etat emploi les armes du mal pour subjuguer le mal et est contaminée également par les objets sur lesquels il agit et par les moyens à l’aides desquels il opère « . Comme le mode opératoire de l’Etat est la violence exercée sur tout individu qui prendrait la liberté de contredire par ses actions l’ordre instauré par l’Etat, Spencer en déduit qu’une justice, pour ne pas sombrer dans l’injustice de l’arbitraire, doit s’en tenir à être générale, autoriser un maximum les morales des individus et ainsi limiter ses actions au respect des Droits Naturels de chacun, et par là même de ne jamais violer la loi d’égale liberté.

Autre action arbitraire d’un Etat démocratique, est l’idée selon laquelle les majorités seraient toutes puissantes. Ainsi cette croyance permet à l’autorité du plus grand nombre d’imposer ses vues à la minorité. Ainsi la dictature de la majorité écrase l’individu aussi sûrement que le joug d’un quelconque despote. Or, cette croyance rentre en conflit direct avec la loi d’égale liberté. Pour Spencer, l’autorité du plus grand nombre doit être subordonnée à la loi d’égale liberté, c’est à dire à l’égalité de droit, des droits naturels. C’est en ce principe qu’il est impossible à une majorité d’assassiner, d’asservir et de voler une minorité. Mais ceci n’est pas suffisant tant que le droit d’ignorer l’Etat ne sera pas permise. En effet,  » Si A, B et C délibèrent, s’ils doivent employer un agent à l’effet d’accomplir pour eux un certain service, et si, tandis que A et B conviennent de la faire, C est d’un avis contraire, C ne peut être équitablement considéré comme partie à la convention en dépit de lui-même. (…) Une doctrine plutôt embarrassante, celle-là ! Voilà un infortuné citoyen à qui il est demandé s’il veut payer pour un certain avantage proposé ; et, qu’il emploie le seul moyen d’exprimer son refus ou qu’il ne l’emploie pas, il nous est fait savoir que pratiquement il y consent, si seulement le nombre des autres qui y consentent est plus grand que le nombre de ceux qui s’y refusent. Et ainsi nous sommes amenés à l’étrange principe que le consentement de A à une chose n’est pas déterminé par ce que A dit, mais par ce que B peut arriver à dire ! « . Ainsi, selon le principe d’égale liberté, C doit logiquement avoir le droit de quitter l’Etat, le droit d’ignorer l’Etat.  » De même qu’un gouvernement ne peut justement agir pour le peuple que lorsqu’il y est autorisé par lui, de même il ne peut justement agir pour l’individu que lorsqu’il y est autorisé par lui « .

Alors que la liberté civile et la liberté religieuse sont les composantes de l’affirmation du droit d’exercer de la même manière toutes ses facultés, il en va exactement de même de la liberté de rompre tout lien avec l’Etat. Par là même, le droit d’ignorer l’Etat est un composé essentiel de la liberté individuelle.

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