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Max | Dies irae

Publié le 22 octobre 2010 par Aragon

viol-.jpgIls sont revenus me demander de les laisser mourir en paix. Ils sont revenus me supplier. Me demander de les laisser, d'ôter l'hameçon qu'ils ont dans leur bouche. Je ne peux pas, je ne veux pas, je les tiens hors de l'eau depuis plus de trente ans et je les laisserai ainsi. Convulsifs, s'agitant dramatiquement au-dessus de ces eaux noires dans lesquelles ils vivaient auparavant.

Sur la berge, le sol est de glaise nue, glissante. Je m'y tiens pourtant. Je les ai ferrés. Les cinq à la fois et ils meurent de ne pas pouvoir mourir en paix. Je leur dis des mots qu'ils ne comprennent pas. Ils ouvrent désespérement leur bouche, roulent des yeux effrayés qui ne pourront jamais se refermer. Mon corps entier est hameçon. Mon corps entier est brûlure. Mon corps entier s'appelle vengeance et ma main droite s'appuie sur le néant.

Je vais les jeter au sol bientôt, je veux les voir. Mes yeux veulent voir leurs yeux. Je veux qu'ils ne se referment jamais. Je les condamne à vivre d'éternité, à sentir tout le néant du poids de ma main droite. Je les condamne à regarder les flammes bleues s'échapper du sein de la jeune fille sacrifiée. Ils se rouleront dans la neige. Me supplieront encore longtemps. En vain.

Ils s'agiteront convulsivement comme des poissons qui ne peuvent pas mourir sur le manteau de neige nue. Les sillons sanglants de l'hameçon de ma vengeance marquent leurs bouches. Ils s'agiteront sur le manteau de neige en regrettant les eaux noires de leur naissance. La femme en bleue supplie et geint. Pourquoi tant de souffrance ? Elle veut prendre ma main, elle veut combler le cratère de lave incandescente qui me submerge. Je suis la mort, le dé rouge et tragique et toute la vengeance du ciel et des enfers.

Je les vois s'agiter sur le sol. Ils ne pourront jamais mourir en paix parce que je le veux et parce que c'est nécessaire. Mon coeur est un morceau de charbon noir, brillant dans la ténèbre de la vie. Je vais mourir, la femme en bleue vivra alors et sera délivrée. Eux, bien après ma mort, me supplieront encore de les laisser mourir en paix. Ma seule main droite, à jamais vivante, les maintiendra en vie, les laissera se débattant dans la poudre de neige glacée, la bouche déchirée. Ils ne mourront jamais. Ils sont entrés pour leur malheur dans le Shéol de mon coeur et ma vengeance est infinie.



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