Le dialogue qui se noue devient souvent passionnant, à l’image du film de Tamadon, qui a vécu de l’intérieur, pour les besoins de son projet au cœur du fondamentalisme iranien, un monde et ses acteurs que l’on connait très peu ici. La nationalité iranienne du réalisateur « a été un avantage ». Au-delà bien sûr de la facilité de la langue, c’est surtout une compréhension de la culture, malgré les points de vue divergents, un savoir « des limites à ne pas franchir » qu’un étranger aurait sûrement eu plus de mal à maîtriser.
Mais au-delà des dessous de la confrontation d’idéaux et de points de vue sur le monde, la rencontre avec Tamadon éclaire aussi, surtout, sur la relation du cinéaste avec les héros de son film. La question de l’amitié qui le lie à Nader Malek-Kandi, une amitié qui peut surprendre lorsque l’on se rend compte que les deux hommes ont des points de vue si différents sur le monde. Alors cette amitié, sur quoi repose-t-elle ? « Il y a beaucoup de blagues, on rit. En Iran, c’est une culture où la langue est très présente, mais cela reste une culture où l’on peut uniquement communiquer par notre présence. C’est peut-être difficile à comprendre car la France est un pays de discours, d’échanges ». Nader a-t-il vu le film ? « Oui, mais il a été déçu qu’il ne défende pas sa philosophie ».
Dans ce bar parisien, la rencontre est cordiale, les échanges se succèdent, la soirée avance, et les confidences, à demi-mots, se font assez révélatrices, et touchantes. « Je me rends compte que depuis dix ans je fais le même film. J’aimerais bien que ça s’arrête, que j’aie des idées différentes. Mais je n’y arrive pas. Je suis obsédé par ça. C’est vraiment obsessionnel. La politique, le pouvoir, l’Iran… J’aimerais bien penser à autre chose, être préoccupé par autre chose, mais je n’y arrive pas… ».
Ses pensées semblent en effet plus tournées vers ces obsessions que vers la sortie du film le lendemain. La sortie est confidentielle à l’échelle nationale, trois copies en France (dont une à Paris au Saint-André des Arts), mais elle promet d’être ardemment soutenue par Mehran Tamadon et son distributeur Aloest. Les copies vont circuler au fil des semaines, avec son fidèle réalisateur présent pour accompagner son film, rencontrer le public et répondre à ses questions à travers la France. Une chance pour tous ceux qui auront la démarche curieuse et intelligente de s’intéresser au documentaire Bassidji. Une porte ouverte vers un Iran que l’on n’a pas l’habitude de voir ainsi.