Magazine Culture
De Gennevilliers à New-York, deux hommes, deux amants. Un Apollon grec d’abord, statue de marbre, corps et cœur de pierre, qui pose et impose, sans jamais parvenir à se défaire de ses muscles, de son image, du fantasme qu’il inspire. Un frêle jeune homme de l’autre, un peu rock, un peu hype, moustache fragile et idéaux bafoués. Honoré cisaille son film en deux : une partie en DV reconstituée à partir de ses archives personnelles et de son voyage de promotion pour Non ma fille tu n’iras pas danser ; une partie fiction, pleine de crudité qui s’attache à percer le mystère du désir, de la masculinité, et à démystifier l’icône gay (pas étonnant que l’acteur vienne tout droit du porno). Le fil conducteur : la rupture amoureuse, l’attachement brisé, la confiance trahie, la haine nouvelle. Balloté de toutes parts par ses tics habituels (froideur de l’érotisme, désespoir acharné et kitsch assumé), et enveloppé d’un vaporeux parfum de supériorité, le film d’Honoré reste inégal. Frontal, mais replié sur lui-même, ne manifestant de l’empathie, pour ses personnages et ses spectateurs, qu’en de rares occasions, brèves lueurs de vie dans une cité de banlieue grise, où la chair demeure triste. "Tu te tiens à distance, tu es érotique et tu détestes le monde" susurre Chiara Mastroianni à l’oreille du massif François Sagat. Une bien bonne manière de décrire également le cinéma d’Honoré, qui transpire, accuse, juge- au fin fond d’un désespoir glacé et bobo qui rend l’ensemble, du film et de son œuvre, aussi passionnant qu’évanescent.