Laisssez moi rire… jaune :
LES MOTS POUR NE PAS LE DIRE
« L’héritage de Mai 68 a introduit le cynisme dans la société et la politique, déclarait d’un ton assuré le candidat Sarkozy le 29 avril 2007 au cours de son dernier meeting de campagne électorale. Voyez comment le culte de l’argent roi, du profit à court terme, de la spéculation, comment les dérives du capitalisme financier ont été portés par les valeurs de Mai 68. Voyez comment la contestation de tous les repères éthiques a contribué à affaiblir la morale du capitalisme, comment elle a préparé le terrain au capitalisme sans scrupule des parachutes en or, des retraites chapeaux, des patrons voyous. »
Étonnant. Nicolas Sarkozy est imprévisible. Il donne à voir la détermination et la rouerie du pouvoir. Dans un double langage permanent, ce candidat à l’Élysée a réussi la gageure de rester l’ami des plus riches tout en se faisant passer pour le défenseur de « la France qui se lève tôt ». Flatter le bon peuple en remplissant les poches des nantis. De la poudre aux yeux pour les uns : « Les paradis fiscaux, c’est fi-ni ! », et des milliards d’euros pour les plus riches. Le sens des mots, dans cette guerre psychologique qui ne dit pas son nom, est volé et détourné.
« Changement » ? « Réforme » ? « Rupture » ? La réalité est tout autre : on allonge la durée du travail, on démantèle les services publics, on brise l’indépendance de la justice, on livre les entreprises publiques au privé, on rabote les droits sociaux, on privatise les fonds de retraite, on gave les gavés. Le changement est régression. La classe dominante veut démanteler, grâce à son porte-parole aujourd’hui à l’Élysée, les acquis des luttes sociales et réduire à sa merci le peuple de l’économie réelle en vilipendant, l’œil rigolard, un capitalisme financier qui n’a guère l’air de s’en s’émouvoir.
Le double langage, la suprématie de l’image sur la parole, l’opacité de la pompe à « phynances » et la vigueur réconfortante de la parole versatile : Ubu est roi.
Comment les Français peuvent-ils se retrouver dans une politique qui se contredit entre les propos tenus et les résultats obtenus ? Les discours de Nicolas Sarkozy déroutent car ils font un usage systématique de l’oxymore, une figure de style qui allie des termes contradictoires dans un rapprochement paradoxal. La « flexisécurité », le « développement durable » sont un moyen de « rapprocher, d’associer, d’hybrider et/ou de faire fusionner deux réalités ; […] les oxymores ainsi utilisés peuvent favoriser la déstructuration des esprits, devenir des facteurs de pathologie et des outils de mensonge ». L’UMP, le parti du président, signifie « Union du mouvement populaire » alors que c’est à Neuilly que l’électorat lui est le plus favorable, avec 83,3 % des voix au second tour des régionales de 2010. Les jeunes de l’UMP s’appellent les « jeunes Pop », pour mieux brouiller le message d’un parti au service des dominants. « Si le pouvoir de Sarkozy fait rupture, écrit Bertrand Méheust, c’est bien par un usage cynique, encore sans précédent dans la démocratie française, des techniques de communication, et dans la production d’oxymores à grande échelle, usage rendu lui-même nécessaire par la montée de tensions sociales sur fond de crise écologique »
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