Alors que le troisième anniversaire du Grenelle approche, le Gouvernement français affiche dans les médias une baisse notable des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990. La France attribue un peu vite ces résultats aux politiques climatiques, comme le montre l’analyse des statistiques réalisée par l’agence WISE-Paris pour Greenpeace. Décryptage.
« Jean-Louis Borloo va un peu vite en besogne en communiquant de façon très positive sur le bilan global des émissions françaises sur les vingt dernières années« , constate Yves Marignac, directeur de WISE-Paris. « La mutation vers une société sobre en carbone voulue par le Grenelle reste pour l’instant une illusion, et l’évolution des émissions risque fort de n’être favorable que le temps de la crise ! »
Les secteurs en crise cachent l’augmentation des émissions de ceux en croissance
L’analyse des statistiques révèle que la baisse ne s’explique pas par une transformation structurelle de la production ni de la consommation d’énergie en France. La baisse des émissions est avant tout imputable à quelques secteurs marqués par la crise récente, notamment le raffinage et la sidérurgie (-26,6% en 2009).
Elle est nettement moins marquée dans les principaux secteurs d’émissions : le résidentiel-tertiaire (-3,9 %) et les transports (seulement -1,6 %, imputable au recul de la circulation des poids-lourds). De plus, l’évolution des émissions est très contrastée : entre 1990 et 2007,on constate une baisse de 10% des émissions de l’industrie, mais une hausse de 25% des émissions liées aux services, de 35% des émissions liées aux transports marchands, et pour finir de 33% des émissions directes des ménages.
Une transition énergétique en panne
La transition énergétique qui doit permettre une division par 4 des émissions françaises d’ici à 2050 n’est pas engagée, loin de là! S’il est trop tôt pour mesurer un éventuel impact du Grenelle, l’écart avec les objectifs fixés à 2010 par la loi Pope de 2005 sur la politique énergétique illustre d’ores et déjà le fossé qui se creuse entre les discours et les actes. La baisse des émissions de CO2 sur le volet énergie n’est que de 2,3 % par an entre 2005 et 2009 (contre les 3% fixés par la loi), et se réduit à 1,2 % par an si l’on gomme l’effet de la crise de 2009. Autre exemple, la part d’énergie d’origine renouvelable dans la consommation intérieure d’électricité atteint 13,5 % en 2009, bien loin de l’objectif indicatif de 21 % pour 2010 !
Un poids croissant des émissions délocalisées
Enfin, si au lieu de calculer les émissions produites sur le sol français, on calcule les émissions dues à la satisfaction de la demande en France, en comptabilisant les émissions dues aux produits importés, et en décomptant celles dues aux produits exportés, l’empreinte carbone de la France est 38 % plus élevée qu’il n’y parait !
Le gouvernement s’apprête à célébrer en fanfare les 3 ans du Grenelle, les 24 et 25 octobre prochain. Mais force est de constater qu’après l’abandon de la contribution climat-énergie début 2010, la France se met dans l’impossibilité de concrétiser les objectifs à 2020, encore moins à 2050.
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