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La jeunesse (manipulée) avec nous !

Publié le 21 octobre 2010 par Lecriducontribuable

Ségolène Royal, une partie des socialistes et les syndicats d’enseignants poussent étudiants, lycéens et même collégiens à descendre dans les rues pour manifester contre la réforme des retraites. Leur argument ‘? La maturité croissante des jeunes, tout à fait capables, prétendent-ils, de discerner leurs intérêts et de les défendre dès quatorze ou quinze ans, voire plus tôt.

On pourrait s’étonner de les entendre proclamer ainsi que dès quatorze ou quinze ans un garçon ou une fille est capable de se comporter en adulte quand on sait qu’ils combattent, depuis des années, toute disposition tendant à abaisser l’âge de la maturité pénale : quand il s’agit de discerner le bien du mal, les jeunes d’aujourd’hui seraient, selon eux, loin d’être plus mûrs que ceux d’hier et il serait inadmissible de traiter ces petits enfants en adultes ; en revanche, s’il s’agit de comprendre et d’apprécier à leur juste valeur des projets économiques et sociaux assez complexes, ils seraient bien plus mûrs que n’étaient leurs aînés et doivent avoir leur mot à dire aussi bien que les adultes.

Mais il serait quelque peu naïf de s’étonner du manque de cohérence dans leurs propos, car chacun est en mesure de se rendre compte qu’il ne s’agit absolument pas d’apporter à notre jeunesse une assistance pour lui éviter des lendemains qui ne chanteraient pas, mais tout bonnement de mettre M. Sarkozy et le gouvernement dans la situation qui est celle de tous les gouvernements réputés de droite depuis la mort de Malek Oussekine : redouter à chaque instant qu’un des jeunes gens ainsi jetés dans la rue y trouve la mort, soit à la suite d’une action maladroite des forces de l’ordre, soit même pour toute autre cause, ce qui soulèverait l’ensemble de notre jeunesse contre le Président de la République et le gouvernement et entraînerait de graves émeutes dont l’issue est imprévisible, puisqu’il est désormais d’usage d’admettre que toute mort d’un jeune dans des circonstances où ont dû intervenir les forces de l’ordre est imputable à celles-ci et justifie que l’ensemble des jeunes du quartier, de la ville, voire du pays détruisent et incendient écoles, gymnases et autres locaux publics ou entreprises privées, mettent le feu aux voitures et tentent de tuer des membres des dites forces de l’ordre, obligeant celles-ci à leur laisser le champ libre sous peine de risquer que d’autres jeunes soient blessés ou tués. On ne sait comment pourraient tourner les choses : dans le cas le plus favorable, les quartiers où se seront déroulées ces émeutes ne seront plus qu’un champ de ruines où de nombreuses personnes totalement étrangères aux manifestations qui en ont été l’origine auront perdu leur véhicule, leur emploi, leur entreprise… et l’on n’ose envisager ce que pourraient être les conséquences si tout ne se terminait pas « au mieux. »

Les marxistes de tout poil jouent ainsi avec un feu qu’ils seraient bien incapables d’éteindre.

Et que doivent, selon eux, revendiquer dans les rues ces grands enfants, ces adolescents et ces tout jeunes gens ? Pour quel bénéfice devraient-ils prendre des risques ? pour obtenir que les quadragénaires et les quinquagénaires d’aujourd’hui puissent continuer à prendre leur retraite à 60 ans et à en jouir pendant les décennies que l’actuelle espérance de vie leur promet. On voit bien quel avantage pourraient en retirer ces quadragénaires et quinquagénaires qui font la pluie et le beau temps dans les syndicats. Mais quel avantage en retireraient les jeunes manifestants qui, eux, ont encore plus de quatre décennies devant eux avant de prendre leur retraite et de percevoir leur pension ? Les quadragénaires et quinquagénaires syndicalisés savent pertinemment qu’alors – si, pour leur bénéfice à eux, le

gouffre de l’Assurance Vieillesse a continué à se creuser, ne fût-ce que pendant quelques années – les caisses seront totalement vides, que les organismes financiers ne voudront plus, même avec des intérêts usuraires, leur prêter de quoi payer les pensions (à l’heure actuelle, un dixième des pensions versées est d’ores et déjà financé par l’emprunt et cette proportion ne fera que croître dans les années prochaines) et que l’inévitable banqueroute, qui interviendrait bien avant que les jeunes manifestants arrivent à l’âge de prendre leur retraite, empêcherait de leur verser la moindre pension (avant ce moment, d’ailleurs, il aurait fallu commencer par diminuer considérablement le montant des pensions versées). Seuls les plus favorisés, ceux qui auraient su et pu économiser pour conserver quelques ressources, pourraient alors survivre sans tomber dans la plus noire misère.

Nos grands enfants, nos adolescents, nos tout jeunes gens seraient, paraît-il, assez mûrs pour décider eux-mêmes d’aller manifester pour que, les quinquagénaires et quadragénaires d’aujourd’hui ayant bénéficié jusqu’au bout des « avantages acquis » et ayant achevé de vider les caisses de l’Assurance vieillesse, ils soient, eux, obligés de cotiser pendant des années pour des pensions illusoires qui ne leur seront jamais versées. Ce serait, sans doute, « leur libre choix ». Mais croit-on vraiment que ce choix soit libre ? Croit-on qu’un gamin de quatorze ou quinze ans, ou même dix-sept, a l’expérience et les connaissances nécessaires pour réfuter les affirmations péremptoires assénées par les enseignants auxquels, tout naturellement, il fait confiance, et par les médias de gauche, les seuls qu’il trouvera dans le centre de documentation de son collège ou de son lycée ?

Certes, si on le leur avait enseigné, ils pourraient savoir que le système actuel a été institué quand les salariés partaient à la retraite à 65 ans et qu’en moyenne, ils ne survivaient guère à leur 70ème anniversaire et donc ne percevaient leur retraite que pendant cinq ans en moyenne. Ils pourraient également savoir qu’à cette époque, la situation démographique était telle qu’il y avait à peu près quatre actifs pour un retraité : les caisses, alors, étaient pleines…. Si on le leur avait enseigné, ces jeunes gens pourraient savoir aussi qu’aujourd’hui et depuis 1981, l’âge du départ à la retraite a été avancé à 60 ans, alors que l’augmentation de la durée de la vie dans notre pays permet à la majorité des retraités d’atteindre leur 80ème anniversaire et donc que les retraités actuels (et ceux de l’avenir si rien n’est modifié) perçoivent leur retraite pendant vingt ans, tandis que le nombre des actifs diminue considérablement, d’une part parce que les personnes qui prennent actuellement leur retraite ou qui la prendront dans les toutes prochaines années appartiennent aux « classes » nombreuses du « baby boom », alors que les personnes actives appartiennent à des classes beaucoup moins nombreuses, et d’autre part parce que la proportion des actifs par rapport aux retraités a également été modifiée, dans un sens défavorable, par le fait que les personnes âgées de 60 à 65 ans ont cessé d’être actives pour devenir retraitées. Mais voilà : personne ne le leur a enseigné.

Si on le leur avait enseigné, ces jeunes gens (comme les personnes plus mûres) pourraient se rendre compte qu’il est impossible de payer un plus grand nombre de retraites pendant quatre fois plus longtemps pendant que ceux qui les payent, les actifs d’aujourd’hui, sont beaucoup moins nombreux. Et donc que l’on ne peut continuer sans modifier les « avantages acquis »…, ce dont, d’ailleurs, les personnes plus mûres ont obscurément conscience, mais dont ils ne peuvent, eux, prendre conscience en face des affirmations péremptoires contraires de ceux qui ont sur eux l’avantage de l’âge et de la connaissance, affirmations qu’ils ne sont pas suffisamment armés pour contester.

Il faut ajouter que les solutions de rechange proposées par les socialistes et la gauche brillent par leur irréalisme : il faudrait, à leur avis, surtaxer les « riches » et les entreprises. Celles-ci sont, d’ores et déjà, plus taxées que dans la plupart des pays du monde et leur compétitivité internationale en est gravement affectée. Ajouter à leur fardeau les charges considérables qu’il faudrait leur imposer pour que les caisses de l’Assurance Vieillesse en soient un peu renflouées en tuerait une grande partie et ferait disparaître un grand nombre d’emplois, ce qui, tous autres inconvénients mis à part (et pourtant, détruire des emplois dans le contexte actuel n’est pas innocent !) viderait d’un côté les caisses que l’on remplirait de l’autre. Quant à la taxation des riches, même un niveau extrêmement élevé des taxes sur leurs revenus et patrimoine ne suffirait pas à combler le trou de l’Assurance vieillesse… et elle s’accompagnerait d’un nombre record de départs vers des pays où la fiscalité est plus modérée, diminuant d’autant la masse taxable.

L’action d’une partie des socialistes et des médias de gauche est donc criminelle, puisqu’elle met en danger des jeunes gens manipulés à des fins qui ne sont absolument pas dans leur intérêt.

Anne Merlin-Chazelas


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