Benoît Peeters vient de publier une biographie de J.Derrida et j'ai commencé à la lire.
Même impression enthousiasmante qu'il y a des années, en lisant Roudinesco, de se trouver face à une grande fresque où apparaissent bien des intellectuels qu'on a souvent lu, parfois rencontré, dont on savait , mais parfois dont on ne savait pas, qu'à telle ou telle époque qu'on a vécue en grande partie, ils avaient devant eux un avenir qui est maintenant un passé, évoqué dans ces lignes. Là dans un livre.
Ricoeur dont je ne savais pas en 68 à Nanterre , en première année de philo qu'après avoir été un recteur banni,il deviendrait ...Ricoeur, celui que j'ai lu bien des années plus tard , et passionnément.
Curieux sentiment pour celle, moi, qui ne savait pas à l'époque où elle vivait dans le plus grand retranchement, qu'elle était malgré tout plongée dans une histoire qui se faisait au jour le jour.
Souvenir de la lecture exaltée et parfaitement solitaire de La grammatologie et de l'immense résonnance que ce texte a eu sur la formation de ma propre pensée...
L'interêt d'un tel livre, outre le fait, qu'il constitue un portrait extraordinaire d'un grand philosophe, c'est que le lecteur qui a connu l'époque dont il est question, ou en ce qui me concerne une partie, peut recoller les morceaux; les morceaux de sa propre vie intellectuelle. De sa vie.
Les notes de renvois en bas de page ont longtemps constitué pour moi le seul moyen de constituer une sorte de galaxie où Derrida se reliait à Leroi Gourhan, Leroi-Gourhan à Blanchot, Blanchot à Fédida, et Fédida à Derrida...
Tiens pourquoi Fédida n'aparait-il pas dans la longue liste de noms à la fin du livre? Ce n'est pas un reproche; mais un étonnement. Peut-être parce qu'ils ne se seraient pas rencontrés dans la vie , parce que Derrida aurait été une lecture pour Fédida, mais pas un être humain, peut-être parce que Fédida est mort trop tôt pour que Benoît Peeters puisse le rencontrer?