Dijon et Lyon. Seulement deux dates françaises, bien raide et profond dans l’anus de nos amis habitant la capitale, un genre d’enculade toujours largement appréciable pour nous autres, pauvres pouilleux provinciaux. Cette date partait donc sur de bons rails, ma dernière sanction par Shellac remontait à la Villette Sonique, en 2008, avec Melt Banana, énorme date si il en était, je partais donc avec confiance et transpiration vers ce grand frigidaire industriel fourvoyé au milieu de nulle part qu’est l’Épicerie Moderne.
Décollage à 20h15 pétantes grâce à la Turbo GTI de l’ami Euphrate, arrivée à la salle à 20h17 après un dérapage sur une trentaine de mètres ayant éclaboussé de classe toute la file de besogneux attendant vainement de choper une place, Sebastien Loeb n’a qu’à bien se tenir. File déjà bien garnie si il en est, un vigile me fait signe qu’il ne reste plus beaucoup de place et que tout le monde ne rentrera pas, la tension monte donc peu à peu, chacun s’observe en silence et la question essentielle se pose pour chaque personne composant cette queue: Todd Trainer ressemble t-il toujours à ce mix facial incertain entre Chantal Goya et E.T? Rude interrogation.
Place achetée, direction le bar pour compenser l’attente, rencontre furtive mais nécessaire avec Crashtaz ayant effectué le déplacement, celui-ci a d’ailleurs eu la bonne idée et la conscience professionnelle d’aller jeter un œil à cette première partie que l’on m’avait poétiquement présenté comme « un truc affreux de Berlin », voici donc son petit résumé:
ON S’EN BRANLE
Ce sera d’ailleurs lui, encore une fois, qui me sauvera la vie en me prévenant qu’Albini et ses copains étaient déjà sur scène alors que je comptais encore m’houblonner le bide avec rigueur, grâce lui soit rendu. J’entre donc dans la salle sur Paco et son pattern de batterie aussi ample que jouissif, fendant la foule à coups de kicks frontaux d’une violence à peine soutenable et autres mawashi-geris sournois afin de pouvoir me placer avec droiture et justesse devant l’homme de ma vie: Todd Trainer.
La sentence ne se fera pas attendre, le constat est net, clair et précis: ce type respire toujours autant la classe et l’excellence. Chaque coup de trique porté sur son kit, raide comme la justice, est d’une précision et d’une puissance tutoyant le divin: groove profondément indécent, baguettes retournées, sourire d’autiste profond, sudations aléatoires, pupilles dilatées, tout y est. Ce gars n’a pourtant pas une technique intouchable ou démentielle, il est simplement doté d’une faculté propre à très peu de batteurs: taper où il faut, quand il faut, avec rudesse et intransigeance, sans aucunement penser à son prochain.
Globalement, Shellac Of North America ira taper tout ses tubes interplanétaires, piochant de manière éparse dans leurs quatre albums, donnant donc en pâture à quelque huit cent personnes des titres n’ayant pas pris une putain de ride et s’élevant toujours à un très haut niveau qualitatif, en vrac et parmi mes souvenirs: Copper, Ghost Song, My Black Ass, The Admiral, Canada, Paco, Steady As She Goes, Prayer to God, Squirrel Song… Le show reste calé sur ce qu’ils pouvaient faire avant, se foutant avec une évidence exquise de la gueule du monde, mais comment leur en vouloir? Les morceaux restent hautement tendus, incisifs, puissants et intenses, Albini est toujours planté là, affichant ses joues de hamster à l’envie, mais compensant par un son de guitare bien saillant et métallique comme jamais, ce gros porc de Weston reste comme d’habitude bien ancré sur ses bonnes papattes mais enchaîne les riffs de basse poutraux et pourfendeurs comme des perles, avec un son à se damner, et Trainer, magnétique derrière ses fûts, j’ai déjà taillé son portrait.
On fait l’avion sur Wingwalker (I’m a plane! I’M A PLANE!), on tape le break lunaire sur Ghost Song (pendant lequel on entendra distinctement un « allez Marvin! », je ne citerai pas de nom), le bon Todd manque de se gaufrer sur End Of The Radio (chacun son tour) pesant et lourd (dans le bon sens du terme) comme un bon gros morceau de barbaque, les questions débiles interviennent à deux reprises (trois questions geeks inside à base de potards et d’amplis et: « Why do you wear ridiculous t-shirts? »), démontage de batterie live sur Spoke, rien de réellement neuf… attends, j’ai dit rien de nouveau? « We have five new songs, we’re gonna play four of it tonight ». Tuerie. Quatre morceaux à foutre indéniablement en haut du panier, un concentré de ce que le trio sait faire de mieux nous rappelant simplement que Shellac reste ce qui se fait de meilleur depuis un paquet d’années niveau noise-rock, se bonifiant comme le bon vin: intense, électrique, un bon coup derrière la nuque et bonne nuit. Des titres qui ne détonnaient nullement au milieu des classiques, inscrit dans un set de qualité sûr et avéré par le trio, il est toujours bon de retrouver ses premiers amours.
Chose absolument également remarquable à noter pour le public lyonnais, de furtifs mouvements de bassins aux abords de la scène donneraient presque l’impression qu’il y ait de l’ambiance, mais non, on est à Lyon, ceci n’est même pas imaginable, j’ai du rêver. Gros concert du groupe en tout cas, plaisir et satisfaction confirmé, Shellac est toujours là, j’ai les oreilles qui sifflent, un sourire débile collé sur la tronche et demain, je me lève à 7h.