(K-Drama / Pilote) Fugitive : Plan B : de l'action décalée dans un registre de divertissement revendiqué

Publié le 20 octobre 2010 par Myteleisrich @myteleisrich


Une série qui était fort attendue en ce nouveau mercredi asiatique sud-coréen, puisque c'est Fugitive : Plan B qui va faire l'objet de la critique du jour. Si ce drama avait débuté sur de convaincantes bases d'audience, le situant au-dessus de la barre des 20%, le 29 septembre dernier sur KBS2, son assise populaire s'est peu à peu effritée face à la concurrence directe d'une série, toujours aussi chaotique en coulisses mais semblant s'être taillée une solide place auprès des téléspectateurs : Daemul. Si bien que l'épisode de Fugitive : Plan B de jeudi dernier dépassait tout juste les 12%, tandis que Daemul menait la tranche horaire de plus de 10 points, au-delà des 22%.

Ayant pourtant succédé au boulanger, champion hors catégorie des audiences sud-coréennes de cette année 2010, dans une case stratégique, il semble donc que Fugitive : Plan B n'ait pu capitaliser sur cette héritage et peine à satisfaire les attentes placées en elle. Il faut dire que l'extrême volatilité du ton de cette série d'action peut a priori surprendre et déstabiliser, la rendant difficilement classable. Avec un second degré plus assumée que A Man Called God (diffusée au printemps), tout en gardant un côté très cheesy et kitsch, elle suit une fine ligne d'équilibre pour tenter d'investir le créneau du divertissement rythmé et décalé. 

Fugitive : Plan B est une série qui se veut "fun", aussi divertissante qu'explosive, avec une touche volontairement sexy indéniable (qui se traduit notamment par l'incapacité récurrente des personnages masculins à savoir boutonner une chemise). Voici condensé le message que la scène d'ouverture du pilote délivre au téléspectateur. C'est en effet l'occasion mouvementée de faire connaissance avec Ji Woo, détectice privé exerçant son métier prohibé en marge de la loi sud-coréenne. Homme d'affaires méticuleux, le jeune homme gère avec maîtrise une entreprise florissante, basée sur une réputation solide - en dépit de son caractère occulte et des démêlés judiciaires troubles de Ji Woo - et un réseau d'informateurs fiables à travers toute l'Asie. Quelque part entre l'homme d'action prompt aux échanges musclés et un côté plus feutré aux faux airs James Bond-ien, le personnage cultive son ambivalence tout au long de ces deux premiers épisodes.

S'il demeure marqué par la mort non élucidée de son ancien associé, il y a plusieurs années, il suit un quotidien bien rôdé, fait d'enquêtes et d'aventures, d'où ressortent un attrait incontestable pour l'argent. Mais sa rencontre avec Jin Yi va l'entraîner sur une route plus dangereuse encore. Car la jeune femme, qui souhaite l'engager, vit dans des eaux particulièrement troubles, fuyant un passé ensanglanté où ses proches ont été tous decimés avec des morts très suspectes. Une nouvelle énième tentative d'assassinat, commanditée depuis le Japon, témoigne d'ailleurs de la précarité de son existence. Amorçant les débuts d'une longue fuite, loin de ses meutriers pour Jin Yi et loin des autorités pour Ji Woo, c'est finalement dans une chasse au trésor d'un genre un peu à part, en quête d'un argent ayant disparu durant la Guerre de Corée, que tous ces protagonistes vont se retrouver entraînés... 

Paradoxalement, si ces deux premiers épisodes de Fugitive : Plan B se révèlent particulièrement rythmés, peu avares en scènes d'actions assumant tous les clichés du genre, et prompts à recourir à des ruptures de narration des plus dynamiques, ils apparaissent au final également relativement creux dans leur contenu, laissant les enjeux progressivement s'installer sans pour autant vraiment centrer le coeur de la série sur ceux-ci. En un sens, cette approche est significative de la réelle ambition de ce drama : offrir une série permettant de se divertir sans arrière-pensée devant son petit écran. Il s'agit de se faire plaisir, et pour cela, Fugitive : Plan B ne va pas hésiter pas à verser dans une surenchère revendiquée, portée par des situations et des protagonistes clinquants à souhait.

Les premières scènes donnent d'ailleurs immédiatement le ton, avec une course poursuite aussi musclée qu'irréaliste, agrémentée de plans qui vous indique clairement que les amateurs de vraies sensations fortes et de suspense peuvent passer leur chemin. Fugitive : Plan B est certes une série d'action, mais elle est volontairement débridée et refuse crânement tout rigueur. Cela lui permet d'éviter l'écueil qui aurait été de se prendre trop au sérieux. Chacun est conscient du manque de réalisme de l'ensemble, mais l'assume et investit un second degré salvateur. Cette impression est d'ailleurs renforcée par l'alternance perpétuelle des tons, passant d'un instant sérieux à connotation dramatique à une mimique comique et burlesque en un clignement d'oeil. Le cocktail est difficile à cerner, laissant trop souvent le téléspectateur en porte-à-faux, mais le maître-mot des scénaristes semble bien être de s'amuser.

 Derrière ces allures finalement très cheesy, mais non dépourvues d'un certain charme, Fugitive : Plan B donne un peu l'impression d'évoluer constamment sur une corde raide, s'attachant à maintenir un équilibre fragile dans cette succession, spontanée et vaguement désordonnée, de changements de tonalités, entre passages excessivement légers et moments beaucoup plus pesants. Même si les enjeux apparaissent encore trop comme un tableau flou accroché en arrière-plan, il est cependant assez facile de se prendre au jeu des rebondissements multiples, des mystères et questions qui s'esquissent et de l'action qui semble omniprésente. Série résolument polyglotte, naviguant entre quatre langues (coréen/japonais/chinois/anglais), Fugitive : Plan B aère l'esprit et promène ses téléspectateurs, les invitant à l'aventure.

Si ces deux premiers épisodes introduisent l'ensemble des protagonistes, prenant soin de les situer dans la partie d'échecs létale en cours, c'est assurément sur les épaules de Ji Woo que repose l'ensemble de la série. Figure centrale ambiguë, aussi charmeur que théâtral, il cultive avec soin une fausse désinvolture qui ne laisse entrevoir que par éclipse quelques failles plus sombres, notamment concernant la mort de son ancien associé. C'est par lui que le téléspectateur est introduit dans ce quotidien mouvementé que la rencontre avec Jin Yi va encore plus complexifier. En somme, il constitue la clé d'entrée dans la série ; et c'est sans doute là que se situe l'origine de mes difficultés pour rentrer dans l'histoire. En effet, excessivement versatile, inconstant, artificiel et excessif, ce personnage principal ne m'a convaincue que par de trop brèves intermittences.

Sur la forme, Fugitive : Plan B conserve un peu la même ambivalence que sur le fond. Classique, voire kitsch, dans certaines scènes d'actions, elle n'hésite pas à revoir ses ambitions à la hausse par moment, s'attachant à exploiter pleinement ses atours internationaux, dans les voyages comme dans les enchaînements de plans à travers l'Asie. Au final, ce n'est pas désagrable à suivre et donne finalement une identité visuelle entre-deux à ce drama. Pour ce qui est de la bande-son, j'avoue qu'elle m'a assez peu marquée, trop souvent effacée pour le moment.

Côté casting, les noms sont accrocheurs, mais tout le monde n'a pas encore trouvé ses marques. Cependant j'avoue être un peu embarassée de l'impossible objectivité avec laquelle j'ai visionné ces deux premiers épisodes. Peut-être le contenu un peu creux de la narration m'a-t-il conduit à me concentrer sur d'autres préoccupations que l'histoire ; d'autant que dans ces cas-là, trop souvent, les failles du scénario se reflètent sur la performance du casting. Si je n'ai jamais vu Full House, j'avais en revanche gardé de relatifs (très) mauvais souvenirs de ma première rencontre avec Rain dans A love to kill - ce fut le premier k-drama que j'ai jamais visionné, il y a de cela déjà plusieurs années et, à l'époque, cette expérience ratée faillit bien me convaincre de ne plus jamais tenter d'excursion aventureuse dans les programmes sud-coréens. Et, malheureusement, Fugitive : Plan B m'a rappelé pourquoi je n'avais pas aimé Rain à l'époque. En fait, ce n'était pas un problème de choc culturel/découverte des k-drama, c'est juste une réaction épidermique qui manque peut-être de rationnalité : j'ai beaucoup de mal à me faire à son (sur-)jeu d'acteur. Si bien que cela n'a pas facilité mes rapports avec cette série. Et ce, en dépit d'une Lee Na Young (Ireland) qui ne manque pas de classe à l'écran, parfaitement adéquate à son rôle. Lee Jung Jin (Love Story in Harvard, I love you, don't cry), en policier volontaire, impose une présence naturelle dans ses scènes, et il forme surtout un duo assez sympathique avec la pétillante Yoon Jin Seo (The Return of Iljimae), qui est une actrice pour qui j'ai beaucoup d'affection. Enfin, Daniel Henney (Spring Waltz) - parlant plus anglais (avec l'avantage d'être compréhensible, à la différence des autres acteurs) que coréen - a, lui, juste besoin de faire acte de présence pour me combler (ce qui n'a pas grand chose à voir avec un éventuel jeu d'acteur, je le confesse). En résumé, c'est plutôt le casting secondaire qui pourrait me convaincre de poursuivre ce drama.

Bilan : Divertissement calibré, décalé et musclé, Fugitive : Plan B est une série d'action rythmée qui assume un second degré sur lequel elle joue beaucoup. Privilégiant les ruptures narratives et les rebondissements plutôt qu'un réel travail sur une intrigue principale encore très floue, cette série apparaît comme une invitation à se détendre. Mais derrière ces surenchères, tout sonne malheureusement un peu trop creux, manquant encore de consistance. Ce n'est pas déplaisant à suivre, mais avec une certaine distance et sans marquer le téléspectateur. Le genre de série qui se visionne sans conséquence, et dont on peine ensuite à expliquer le pourquoi. Pour les amateurs de cette alternance de tons particulière et pour ceux qui recherchent un drama contemporain qui tranche avec les sacro-saintes comédies romantiques du pays du Matin Calme, Fugitive : Plan B pourra peut-être convenir. En ce qui me concerne, j'avoue fortement hésiter à continuer ma découverte.


NOTE : 5/10


Une bande-annonce de la série :


Une chanson de l'OST :