Les films produits par les studios de Walt Disney ont construit l’imaginaire de plusieurs générations de (grands) enfants. Mais derrière le rêve et la magie, le cinéma d’animation est aussi (et même avant tout) une industrie. Quitte à détruire un peu le charme onirique de cet univers, un documentaire propose de découvrir les coulisses de production et de réalisation de ces films pendant les années 1980, alors que la firme traverse une mauvaise passe…
Depuis 1937 et la sortie de leur premier long métrage d’animation, Blanche Neige et les Sept Nains, les studios Disney ont bâti un immense empire qui a rapidement dépassé le simple cadre de la production cinématographique. Mais à la base de tous les produits dérivés vendus ou encore des parcs d’attractions fleurissants, les films ont toujours été le fondement de leur travail. Comment fonctionne un studio si renommé ? Quels sont les rapports de force établis entre exigence artistique et rendement marketing ? Don Hahn, lui-même ancien de la boîte, propose une véritable plongée dans les coulisses de ce temple prestigieux du dessin animé, à grands renforts d’images extraites d’archives, parfois inédites. Et s’il eût été facile de se livrer à un simple documentaire élogieux sur les backstages de la firme, le réalisateur a la bonne idée de se pencher sur sa période “noire” : les années 1980 et le début des années 1990 (jusqu’à la sortie du Roi Lion en 1994).
Waking Sleeping Beauty est le portrait d’un studio de cinéma à un moment charnière de son existence, confronté au renouvellement de son équipe et à l’émergence de nouveaux concurrents tels Steven Spielberg et sa firme Dreamworks. Conséquences immédiates dès 1985 : Taram et le Chaudron Magique s’éloigne de l’esprit “Disney” en racontant une histoire beaucoup plus sombre qu’à l’accoutumée, soutenues par des procédés techniques inédits… mais se rétame lamentablement au box office. Un véritable malaise naît alors entre les artistes employés et les dirigeants du studio, mis à l’épreuve du doute et de l’exigence de rentabilité financière. Le mythe Disney s’écroulerait-il ? Basil Détective Privé (1986) et La Petite Sirène (1989) parviennent un tant soit peu à redresser la barre, mais l’échec d’autres films d’animation tels Oliver et Compagnie (1988) ou encore Bernard et Bianca au Pays des Kangourous (1990) laissent, plus que jamais, la crise s’installer. Et en coulisses, le moral n’est pas au beau fixe…
Fort d’une enquête minutieuse et d’une chronologie précise des faits, le film de Don Hahn met en lumière l’évolution du studio au fur et à mesure que les dirigeants se succèdent. On y découvre notamment la tentation des patrons, durant des années 1980, de mettre fin au département Animation pour se concentrer sur l’exploitation commerciale des parcs et la réalisation de films en prises de vue réelles. En donnant la parole tant aux animateurs qu’aux patrons, le réalisateur dégage de succulentes anecdotes tout en dégageant les rouages d’un univers méconnu du grand public. Waking Sleeping Beauty est le making of idéal d’une décennie de films estampillés Disney, tout en se révélant très instructif sur les conditions plus globales de réalisation d’un film d’animation.
Pourtant, malgré toutes ces qualités tenant pour l’essentiel à l’incroyable richesse des images d’archive rassemblées, le documentaire peine à réellement décoller. En s’éloignant trop rarement du simple stade de la narration linéaire, le film se réfugie derrière une chronologie peu audacieuse par manque de réelle analyse de fond. La voix off omniprésente (et quelque peu exaspérante) manque d’un réel regard critique du réalisateur, ou tout du moins du recul nécessaire au montage pour que le film devienne une réelle œuvre de cinéma. Peut-être également contraint par les studios Disney eux-mêmes de ne pas trop en dévoiler alors qu’ils sont les producteurs et distributeurs du film (savoureux paradoxe), Waking Sleeping Beauty se révèle au final aussi passionnant que frustrant.
En salles le 6 octobre 2010
Crédits photos : © Walt Disney Pictures