L’histoire que nous propose l’écrivain congolais Mputu Neza Kiluangu, nom à la prononciation bien aléatoire pour un campagnard tourangeau comme l’est votre serviteur, est digne des meilleurs romans à rebondissements. Voyez par vous-même. En Guinée du Nord, pays de l’ouest du continent noir, un dictateur implacable et psychopathe, Mamadoo II, dirige ses sujets ou devrions-nous dire ses victimes d’une main de fer ; un régime mis au banc des nations, car faisant de la torture et des exécutions capitales des plus arbitraires un spectacle quotidien, télé-réalité à l’exotisme barbare peu enviable. Dans ce coin d’Afrique francophone, ô grand malheur pour les gaullistes et les mafieux corses, la « Françafrique » est menacée : les intérêts de la glorieuse nation française, gallinacé jaloux de ses prébendes, sont dangereusement ballottés par ces diables de bridés au teint jaunâtre, les chinois qui entendent mettre la main sur les richesses nationales ; une ambition démultipliée avec les découvertes d’or noir. Croyez-le ou pas, mais mes chers compatriotes des renseignements militaires sont appelés à la rescousse par le gouvernement du Pays des Lumières afin de voir quel est le profil de l’anguille chinoise dissimulée sous le rocher. C’est dans ce contexte géopolitique à la fiction faussement caricaturale que notre jeune couple maudit Seck et Fanta est largué sans parachute de secours. Un soir de fièvre dans le maquis « Le riz qui n’a pas de goût », sous les yeux de son fiancé Seck, citadin de la dernière heure et besogneux maçon, Fanta, vendeuse de bricoles et autres colifichets, bouge son gros fessier au rythme du Ndonbolo ; mouvement lascif qui ne laisse aucunement indifférent son prochain spécialement quand il s’agit de Gary Evoloko, le pape national du porno. Rendez-vous est pris. Dans le secret, sur son lieu de travail, Fanta doit rencontrer le magnat porcin pour faire des essais qui croyez-moi ne sont en rien une partie de marelle entre jeunes pucelles. Malheureusement l’arrivée inopportune sur le lieu du vice de Seck va être le déclencheur d’une machine infernale : alors que la rixe née du conflit d’intérêt sur Fanta bat son plein, un policier est tué. Seck est accusé à tort de meurtre puis embastillé dans la prison centrale du pays connue de toutes les ligues de défense des droits de l’homme, multinationales planétaires. Dès lors commencent les tribulations de Fanta qui entre scènes de porno et location de son derrière va tout tenter pour sauver son amoureux ménestrel. Et peu lui importe que la stabilité du pays soit menacée. La petite histoire va en effet rejoindre la grande dans un entrelacs effréné. Cessons les bla-bla inutiles. Quiproquo national est un roman palpitant, léger, rythmé, grâce auquel le lecteur sourit et même parfois jubile. Les péripéties et retournements des situations dans lesquelles sont empêtrés les personnages sont bien souvent déconcertants et désopilants alors que les descriptions de la vie quotidienne sont croquantes de plaisirs et en rien anachroniques.
« Lorsque le DJ balança un morceau de mapouka, la foule fut presque prise d’un délire jouissif. Les femmes bougeaient leur postérieur sans la moindre vergogne. Les pantalons moulants et les pagnes de tissus fins, bien serrés contre le corps, laissaient imaginer ce qui s’y cachait. Les jeux de lumière de la boule d’ambiance agissaient sur les nerfs des ambianceurs . Les hommes ne chômaient pas du tout. Ils venaient danser derrière les femmes. Plus d’un était subjugué par ces gros postérieurs gonflés au Duralin et au cube Maggi. », p. 7. On si croirait !
Ce livre a donc pour ambition légitime de faire passer à son lecteur un très bon moment et de lui faire oublier les péripéties pas toujours amusantes de son quotidien. Un but ma foi honorable. Toutefois il y a deux bémols. Et quels bémols ! Le style est souvent maladroit. Certes, on me répondra que ce roman ne joue pas dans la cour des grands et son objectif n’est en rien d’être sélectionné par l’Académie Française. Tout de même cela fait tache. Deuxième bémol et selon moi le plus terrible, que de fautes d’orthographes et grammaticales ! C’est inacceptable tant de la part de l’écrivain que de l’éditeur. C’est à se demander si ce dernier a fait son travail. Il est vraiment dommage que ces péchés contrarient fortement une lecture où l’on prend plaisir à suivre le cheminement d’une histoire au demeurant fort distrayante.
Mputu Nzeza Kiluangu, Quiproquo national, Acoria Editions, 2010, 206 p.