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**** Tchoungui Elisabeth, Bamako Climax.

Par Ferrandh

tchounguielizabethbamakoclimax.jpgJournaliste franco-camerounaise et animatrice à la télévision française, Elizabeth Tchoungui a obtenu un succès littéraire remarqué avec son premier roman Je vous souhaite la pluie. Soyons certain que son deuxième opus, Bamako Climax, lui assure de nouvelles récompenses. Le personnage principal de cette œuvre, Céleste, enlumine de sa beauté spirituelle chaque page de l’écrit. Métisse de grande beauté, brillante et extrêmement sensible, elle irradie ceux qui ont le bonheur de goûter sa compagnie. Que de qualités pour cette jeune femme qui parcourt le monde pour y recueillir les confidences de ceux qui habitent des pays dits déshérités. Revenue de l’Inde, dans l’esprit de publier un livre, Céleste bien que n’étant pas mondaine ne boude pas pour autant les dîners parisiens d’élites ou de pseudo-élites artistiques. Amoureuse des contrastes et croyante dans l’humanité, elle refuse tout préjugé. Cueillir l’être pour ce qu’il est dans son essence, un être doué de vertus, pourrait être sa devise. Mais voilà, comme toute lumière, elle attire des personnes qui ne sont pas toujours dignes de sa devise. Elle va le constater à ses dépends chez deux hommes qu’elle aime, Elio son époux et Elliot son amant. Le premier est un Italien dont la judaïté imprègne le sang, spécificité identitaire vécue dans l’angoisse. Elio appartient à cette bourgeoise italienne de carton pâte pornographique qui a pour appendice politique et culturel la vulgate berlusconnienne, monceau de vulgarités télégéniques aux neurones affreusement atrophiés. A peine marié à celle qui aurait pu le libérer de son apathie intellectuelle d’enfant gâté et le faire entrer de plein pied dans la vie d’un monde de vérités, il lui préfère la fuite dans la poitrine généreuse de sa maîtresse, créature sortie tout droit d’un soap brésilien. Elliot quant à lui semble être une personne plus conséquente que son concurrent et bellâtre italien. D’origine malienne, ayant goûté la misère tant de son pays de naissance que celui d’adoption, la France, il gravit avec une ténacité aveugle les échelles du pouvoir. Enfin conseiller aux affaires culturelles de la municipalité de Paris, il peut rayonner de sa toute puissance. La revanche sociale, voilà le moteur d’Elliot. Montrer à son père défunt qu’il doit être fier de son fils. Avancer, toujours avancer, quitte à écraser son prochain. Pour lui, l’amour est comme toutes sensibleries, un aveu de faiblesse. Qu’on se le dise, les puissants exècrent de tels sentiments. Elliot n’est rien d’autre qu’une noix de coco, un bounty. D’africain ne lui reste que sa couleur de peau. Nous sommes bien loin de la devise de Céleste. Et pourtant celle-ci va succomber aux charmes de cet ambitieux. Probablement croit-elle que derrière cette armure de froideur se cache une fragilité. Les amis de Céleste sont unanimes, ces deux hommes ne méritent pas leur amie. Chacun leur tour, en confession, ils prennent la parole et dénoncent les turpitudes que lui font subir ces deux ingrats. Ces deux-là ne comprennent pas que cette princesse nubienne est leur chance ; Céleste est la réponse à tous leurs maux qui s’enracinent dans leurs troubles identitaires. Vivre leur métissage, voilà la vérité. Ne plus cacher une partie d’eux-mêmes mais bien au contraire s’en enrichir. Désabusée, offensée, Céleste disparaît dans les terres africaines. Comprenant leur erreur, chacun de son côté, les deux égoïstes se lancent à sa poursuite dans une Afrique qui va leur révéler la vérité d’un monde d’une grande violence quand celui-ci se fait malheureusement exclusif de sa culture. Abusés, violentés, charmés, exténués, l’Afrique et à travers elle Céleste se fait la contemptrice des apparences des deux hommes, élus malgré eux d’une initiation qui les mènera à leurs limites, passage obligé d’une rédemption incertaine. Bamako Climax, à la fois recueil de confessions et roman d’aventure, est une ode au métissage : sans métissage, pas de compréhension ; sans métissage, pas de paix. Refuser son métissage c’est se mentir.

« L’enfant du ciel est métis, et n’en déplaise aux astres, aux racistes, aux peureux, aux oracles myopes, aux sorciers mal lunés, aux épurateurs ethniques, aux génocidaires, au philistins, aux croisés du troisième millénaire, aux bornés de toujours, sur les cendres des civilisations qui auront eu la faiblesse de se combattre, son règne adviendra », p. 402.

Voici donc un bon roman servi par une écriture concise, vive et rythmée, qui sait se faire soucieuse du détail. Dans un langage parfois cru, elle dessine chacun de ses personnages de façon si familière que l’on a l’impression qu’elle les a croisés, fréquentés et étudiés de près. Un autre atout de ce livre, c’est les nombreux rebondissements qui retiennent l’attention du lecteur, en particulier quand les deux mufles parcourant l’Afrique sahélienne sont confrontés  aux attentas d’un mouvement terroriste anti-occidental. Bamako Climax a la grande qualité d’unir l’intime et le public, le tout afin de mieux apprécier la fortune qu’est le métissage, grande cause de l’auteur. 

Tchoungui Elizabeth, Bamako Climax, Plon, 2010, 404 p.


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