Jean-Michel Basquiat dans une photo de James VanDerZee Gelatin silver print, 1982
Publiée en janvier 1989
Donna Mussenden VanDerZee
Depuis Van Gogh, et même depuis les Romantiques, être artiste signifie être torturé de manière constante et durable. Un siècle déjà que s’est construit le mythe de l’artiste maudit, et par conséquent de génie, obligatoirement en proie aux tourments les plus noirs, banalisant l’idée selon laquelle la création n’existe pas sans d’atroces souffrances. Une nouveauté est apparue dans la seconde moitié du XXè siècle, le star système dans lequel l’artiste meurtri doit se montrer. Tentons donc une approche moins manichéenne. Certes, nous savons tous que Jean-Michel Basquiat faisait partie du New-York underground des années 1980 où prendre de la drogue était monnaie courante à tel point qu’il succomba à une overdose à 28 ans, qu’il rêvait de devenir célèbre et par conséquent admirait Andy Warhol. Le contexte est important pour comprendre le travail d’un artiste mais il ne doit jamais passer avant l’œuvre elle-même. Laissons donc un peu ce New-York déglingué et trash pour regarder les œuvres.
Jean-Michel Basquiat, Sans titre (crâne) (1984)
D’entrée, ce qui frappe le plus mon œil, c’est le foisonnement général qui se dégage de ce travail. Basquiat décrit un monde en ébullition peuplé d’hommes toujours debout, toujours en action avec d’incroyables dents. Plus étonnant encore, l’intensité des couleurs utilisées par l’artiste, ce talent de coloriste est pour moi une véritable découverte, j’avoue que je ne connaissais pas ce Basquiat là. Cette vivacité des tons participe grandement à l’impression générale qui émane de cette exposition à savoir, celle d’œuvres venant juste d’être achevées, dont la peinture serait à peine sèche. Les toiles de Jean-Michel Basquiat n’ont absolument pas vieilli et l’on s’imagine parfaitement qu’elles viennent d’être peintes par un tout jeune artiste qui aurait sa première rétrospective au musée d’art moderne de la ville de Paris. Pendant la visite faite par l’une des commissaires de l’exposition, intervient l’un des anciens assistants de Basquiat qui évoque un épisode assez révélateur de l’incroyable boulimie de création qui habitait l’artiste. Une nuit, en plein travail, l’artiste constate qu’il a utilisé tous ses châssis et décide avec son assistant de récupérer des palettes qui trainent dans la rue où se trouve son atelier. Les tableaux fabriqués à partir de ces fines planches de bois sont splendides de sobriété et de poésie. Ils forment une série en hommage aux boxeurs noirs américains tel Cassius Clay. Ne s’agissant pas d’un châssis normal, les toiles flottent sur les bords où elles n’ont justement pas pu être fixées. Aux boxeurs viennent s’ajouter les jazzmen, tous forment le panthéon du peintre. Ces hommes noirs ont tous connu le succès, ils sont ses modèles. Petit à petit, Jean-Michel Basquiat est devenu l’un d’eux, un homme noir ayant réussi aux Etats-Unis. Il est devenu celui que les galeristes s’arrachent et dont la côte s’envole. En moins de dix ans, Basquiat réalise 1000 peintures et plus de 200 dessins. Un travail incessant, de réelles innovations plastiques alliées à un besoin de s’exprimer plus fort que tout, un artiste, un vrai.
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Exposition personnelle de Jean Michel Basquiat, jusqu'au 30 janvier 2011
Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris
11 avenue du Président Wilson
75116 Paris
Tél : 01 53 67 40 00
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h
Nocturne le jeudi jusqu'à 22h