Le temps hésite! Il est plutôt celui de travailler les adducteurs de sa compagne que les abdos fessiers du coureur à pieds. Le médoc de l’intérieur ressemble à une toile de Turner s’il n’était un navire sur le fleuve, vers l’estuaire hors de vue. Alors Sisley, sans doute, rendrait avec douceur et vérité les camaïeux bleu/gris de cet après–midi d’octobre aux langueurs de novembre. Vince Evertu salue Alain Letard, l’encyclopédie de la course à pieds pour cette partie de France, speaker de service pour la journée, et pénètre dans le sas coureur. "La foulée des vignerons"voulue par la commune d’Arsac est une enjambée de chat bottésur le pays de cocagne de neuf kilomètres et une autre de dix-huit pour les Gargantua, dont Vince Evertu fait partie, couplée a deux randonnées pédestres.
« Pense à l’état des lieux mardi à 10h ne soit pas en retard! » L’état des lieux d’une tranche de vie!!! : 1 ans de réglage, 7 ans de vie, commune mais pas banale, 1 dérobade, 1 arrangement, 6 mois de cohabitation raisonnable,3 mois de transition et de semailles. Pile sept ans et cinq minutes plus tard lors de l’état des lieux du dix kilomètres dedimanche dernier « Je suis un arbre!..... » Presque une décennie, le temps de faire connaissance, les week end, quelques périples à vélo : 150 kilomètres aller, pour la mériter, et 150 au retour pour s’absoudre de la servitude volontaire de la séparation. La décision de la vie à deux et le transfert de nuit « comme un pont entre deux rives ». Un arrêt sur l’aire d’une station service, un camion de déménagement de chez Do it yourself pour des bras enthousiastes, deux tasses pleines de café et quatre yeux remplis de promesses.
Couloir : peinture écaillée sur radiateur ; Murs B.E, ;Sols parquet B.E. Des ajoncs en bordure de chemin griffent les impatients. Vince se cale, attendant son heure et les espaces à venir entre les pampres véritables. Le profil altimétrique de la course avec ses 44 mètres de dénivelé positif n’a rien d’effrayant, pourtant Vince stagne gentiment en milieu de peloton. Au lieu-dit Ligondras et au kilomètre quatre, juste avant le château éponyme la césure se fait entre les stances du 9 kilos et la prose des 18. Vincent fait rimer identitaire avec solitaire et grappille des places étalonnant son propre état des lieux. Le souffle : Bon. État, les cuisses, Bon. Fonctionnement, sauf une légère pointe au mollet et derrière le cuissot tribord dans la zone de l’ichtio-jambier. Des carrés de vignes, de la grave, du sable par endroit, quelques flaques dérivent les coureurs de la trajectoire idéale. « …….Je suis un arbre et j'ai quatre saisons.
Bien planté dans le sol, des racines jusqu'aux antipodes je suis dans et sur la terre, élancée dans le ciel, je suis un arbre fille.
Kilomètre sept, Château Kirwan, il y a une batterie et une basse. Un ampli et des tables dressées pour le casse-croute des randonneurs.
A la fin du printemps, de mon printemps, ya un gros zarbre qui s'est planté à côté de moi. Y m'a fait peur çui-là avec ses grosses racines! Eh puis non, finalement. Alors j'ai bourgeonné plusieurs fois. Un bonheur, de bonne heure et, puisqu' on était deux ramures entrelacées, on a construit une cabane pour ne pas se lasser, bien solide avec de grosses branches pour se protéger.
Salon : parquet B.E. Salle de bain : un meuble sous casque une vasque, un mitigeur B.F.la toise improvisée sur la poutre de la mezzanine stoppera sa croissance sur le dernier relevé du petit dernier. La peinture a recouvert les traces des portraits décrochés.
C'est l'été, mon été. Les bourgeons ont fleuri, je suis sûre qu'ils vont donner de beaux fruits. En tout cas je fais tout pour: je les nourris de ma sève, je leur donne ma fraîcheur, mon ombrage. Je les caresse de mon feuillage et j'invite quelquefois dans notre arbre, des oiseaux à picorer et partager nos jeux d'eaux et de soleil. C'est pas facile, des fois avec ces chèvres qui viennent brouter mon écorce et ces chiens qui viennent me renifler le tronc. Alors je laisse s'évader quelques feuilles de mon imaginaire, s'envoler portées par la musique, le vent et se poser parfois sur une plage pour y rester, parfois sur la mer pour y voyager, quelques fois entre les pages d'un livre pour y sécher. Qu'importe, j'en ai plein des feuilles! Autant que de rêves!
Chambre 1,2 et 3 : Peinture B.E ; Sols B.E. Vincent en mal de repère cherche un meneur d’allure. N’en trouvant pas, continue son train de sénateur remontant station après station le tortillard des concurrents. Les cours gravillonnés contournent les chais où, sur des tréteaux, des magnuns, des Jéroboam et desNabuchodosor gonflent le ventre devant les randonneurs.
C'est l'automne, mon automne ou monotone, je ne sais pas comment on dit: je suis un arbre. Pourtant, de plus en plus de feuilles tombent après l'orage. J'ai peur. Je résiste à la bourrasque encore et toujours …….. » Quatre clés restituées : 2 de l'entrée, 1 de la cave, 1 du garage. "Signez ici" Une bise sur la joue pour deux vies déjà « refaites ». Vince regarde s'éloigner la petite voiture, le coffre à demi ouvert sur un pécule de souvenirs. Myope et manichéen, il a toujours de la confusion devant la frontière du noir et du blanc et de la faiblesse face à la force du destin. De toute façon, c'est mort!
« ….. Je crains que parfois l'une d’elles rencontre un étranger, s'y pose et s'y repose, le caresse et lui plaise. Qu'il me prenne (?!) des petits bouts de bois, des petits bouts de moi! Ce n’est pas ma faute : je suis un arbre !...... »
« A la poursuite du temps perdu » lors du ravitaillement en eau Vince, le temps retrouvé des cinq places échangées contre un verre d’eau au temple du nectar et de l’ambroisie quitte la cour pavée du Château Giscours. Sur ce terroir et avec modération un sédiment de mémoire abreuvera l'arbre de nostalgie, sa douceur et ses périls.
Un sprint orgueilleux sur la ligne d’arrivée pour le prix d’un rien et la valeur de tout coutera à Vince une douleur à l’ichtio- jambier tribord contre une pendule de quatre vingt dix minutes.
Il faut quitter le champ clos des pleurnicheries et ouvrir le champ des possibles où déjà les semailles promettent. Alors, oui! Vincent mit l'âne dans un pré et s'en vint dans l'autre mais, attention toutefois : le père colle au zoo le porc Gerzi!*
Vince termine 22 ème de sa catégorie dans le ventre mou de l’anonymat. « C’est l’hiver, mon hiver, j’étais un arbre!.... »
*Tu te rends compte : un patronyme capillotracté (Vince Evertu) juste pour dire que changement d’herbage réjouit les veaux (Vincent s’en vint dans l’autre) et qu’il y a du danger à se pencher par la fenêtre du changement. (é péricoloso sporgersi)