Au cœur de la manif, on croise les mêmes têtes, on entend les mêmes cris. Le temps est tristouille et on se pèle les couilles. Mais on se réconforte. Le cortège s’ébranle. On marche vers les quais. On chante et on crie. La sono crépite, protégée par un morceau de plastique.
Toujours les mêmes chansons. On subit certaines. Aujourd’hui nous avons eu droit à une reprise de Jean Ferrat par je ne sais pas qui. Pas eu envie de demander au DJ. Pénible ! On peut être de gauche, solidaire avec les potes, anti-Sarko jusqu’au bout des ongles et pas trouver la chose à son goût.
A ce stade, Trombone -- un shakespearien pour son côté tragique -- aborde les tensions probables, les débordements possibles :
« Faut faire gaffe !», qu’il dit.
« Le gouvernement n’attend que ça, qu’il y ait de la casse !…», enchaîne le voisin.
« Vive la révolution sexuelle ! », hurle quelqu’un un peu plus loin, voyant débouler le cortège des infirmières. Lisez « La fonction de l’orgasme», de Reich.
« Ta gueule Momo ! », lâche son pote à ses côtés. On va te prendre pour un pédophile !
Misant sur la lassitude d’abord, sur le mauvais temps ensuite, sur les débordements violents plus loin, Sarko ne sait plus quel saint téter pour que le miracle ait lieu. Comme l’enfant capricieux et tête à claques qu’il est, il n’envisage ni faiblesse ni reculade dans un conflit qui risque de se radicaliser. Une aubaine pour celui dont la partition musicale ne comporte qu’un misérable opus : l’ordre ! Dramatique pour un musicien de n’avoir en tout et pour tout qu’un seul morceau à proposer au public lors de ses concerts.
« Vive la Révolution Sociale ! », ajoute Momo avec son parapluie qu’il a pris soin de bombé à la dorure. S’il y a de la casse, ne vous inquiétez pas, Woerth n’a qu’à rembourser les dégâts avec les 30 millions qu’il a donné à la Bettencourt. Elle a des enveloppes pour aider les miséreux !
Il a la pêche le Momo.
Il est indiscutable qu’au soir de cette sixième manifestation, malgré le succès des mobilisations, incertitude et découragement puissent jeter le doute dans les esprits et pousser une partie des citoyens à la démobilisation. Cela n’a rien à voir avec l’effilochement auquel les médias font allusion dans un grand numéro de manipulation mentale connu. Dans la rue les choses s’envisagent autrement. Même si la victoire n’est pas au bout, cette bataille laissera plus de traces qu’on ne croit en Sarkozie.Puis on ne lâche rien, on continue. On ne sait jamais, la rue est capricieuse, une étincelle…
Mínimus n’aime pas le dialogue démocratique. La démocratie n’aime pas Mínimus. Le divorce est désormais consommé. On ne dit plus à son propos 30% de satisfaits dans les sondages, mais 70% de mécontents !
Devant le blocage important des réseaux de distribution et la paralysie subséquente, le ban et l’arrière-ban du conservatisme national dénoncent la prise en otage de ceux qu’on empêche de travailler, sans songer un instant que ceux qui sont dans la rue le sont précisément parce qu’on les empêche de vivre. Parce que jour après jour on les presse, on leur serre le cou jusqu’à qu’ils crèvent !
On continue.