Les principales matières premières naturelles et leur impact sur l’environnement
La France est le principal producteur de lin textile. Cette fibre requiert très peu d’irrigation, de pesticides et d’engrais -cinq fois moins que le coton. De plus, sa culture rapide de 100 jours est rotative et n’épuise pas les sols. Dès lors le lin est assez respectueux de l’environnement.
Le chanvre, qui a de nombreuses autres utilisations que le textile (matériau isolant, papier, corde, etc.), donne des fibres solides, mais aussi du cannabis… C’est pourquoi les chercheurs ont créé une espèce hybride avec un faible taux de psychotrope (taux de THC inférieur à 0,2 % selon la réglementation) afin que le chanvre puisse être cultivé en Europe. La France est aujourd’hui le deuxième producteur au monde après la Chine. Le chanvre ne nécessite pas de pesticides, mais demande de l’azote et du potassium, ce qui le rend moins attractif que le lin du point de vue écologique.
Le coton est la fibre naturelle qui pose le plus de problèmes, alors qu’il représente 50% des fibres textiles cultivées dans le monde :
- un problème économique. Le cours du coton peut beaucoup varier en peu de temps ; il a en effet augmenté de 30% ces 2 derniers mois
- un problème écologique. Le coton, replanté tous les ans, nécessite beaucoup de pesticides et d’engrais chimiques, tandis que les ressources en phosphate s’épuisent
- une limitation climatique et géographique. Il nécessite un milieu humide, puis une succession de sécheresse et de chaleur, ce qui rend sa production aléatoire
- le coton OGM ne baisse pas le nombre d’intrants et engendre des difficultés majeures pour les agriculteurs. C’est le cas du coton Bt en Inde, où on a constaté une résistance accrue des insectes et une chute des rendements
Le coton bio et équitable présente une piste alternative intéressante. Il existe par exemple un groupement de producteurs au Mali avec la Bretagne pour sécuriser les apports et équilibrer l’offre et la demande. Néanmoins ce type d’initiative est encore insuffisamment développé.
La laine de mouton -qui provient surtout d’Australie, de Chine et de Nouvelle-Zélande- et la soie -produite majoritairement en Asie- sont des produits naturels qui posent peu de problèmes écologiques dans leur fabrication, sauf pour le traitement et la teinture, polluants. Le tannage du cuir pose lui de graves problèmes de pollution des eaux quand il n’y a pas de système de retraitement. Une filière écologique apparaît progressivement pour chacune de ces matières.
Au-delà des ressources naturelles, les vêtements réalisés avec des matériaux recyclés constituent une sérieuse alternative écologique ; c’est ce que fait Patagonia.
Des manquements éthiques dans le secteur du textile
En achetant leurs vêtements toujours moins cher (Carrefour est le premier distributeur français de vêtements), les consommateurs contribuent à la dégradation des salaires et des conditions de travail dans les pays en développement. Les entreprises multinationales de l’habillement, qui distribuent leurs propres marques, délocalisent vers les pays à bas-coûts de main d’oeuvre. Or dans les pays émergents, les ouvriers du textile sont payés entre 40 et 60 dollars mensuels, plus bas que toutes les autres industries. De multiples affaires ont ainsi défrayé la chronique, parmi lesquelles :
- la maladie de la silicose, provoquée par le sablage des jeans pour leur donner un aspect usé, qui a tué une cinquantaine de salariés dans les usines de fabrication en Turquie. Le problème se résout peu à peu puisque Levi’s et H&M ont abandonné la technique de sablage devant la pression médiatique
- l’affaire Saipan, où les ouvriers Philippins arrivés sur l’île de Saipan se voyaient retirer leur passeport et travaillaient gratuitement pour de grandes marques
- les enfants Pakistanais qui fabriquaient des ballons de foot pour les grandes marques de sport
C’est pourquoi le collectif Éthique sur l’Étiquette fait pression pour obtenir des information sur la “qualité sociale” des vêtements. Il décompose le prix d’un jean de la manière suivante:
- 45% pour le détaillant (magasin)
- 40% pour la marque
- 5% de coûts de transport
- 10% de coût de production (dont salaires : 1 à 5%)
Le collectif demande à ce que les maisons-mères soient responsables pénalement de leurs filières d’approvisionnement et de soumettre leurs activités à des vérifications indépendantes, pour éviter que d’autres affaires ne surgissent ; il déconseille le boycott car celui-ci peut entraîner des pertes d’emplois sèches pour les pays émergents. Mais le secteur entier doit évoluer pour pallier à cette course vers le bas qui se traduit par des délocalisations régionales.
On constate malgré tout quelques progrès depuis les scandales des années 1990 et leur révélation par les ONG. Les grandes marques sont plus transparentes et ont adopté des codes de conduite. Cependant, c’est la syndicalisation nationale des ouvriers qui pousse au changement, comme le prouve le syndicat Asia Floor Wage, qui réclame un panier vital pour chaque salarié.
Par ailleurs on remarque un amorçage de relocalisation en Europe, ou du moins en Turquie et au Maghreb. Le made in France prend de l’importance, mais devrait être mieux encadré : il n’est pas obligatoire aujourd’hui de mentionner le pays de fabrication d’origine.
Une mode éco-responsable est possible
Les marques éthiques et écologiques mettent peu en avant leur engagement dans les magasins. Le web est cependant une occasion de renforcer leur discours. Vous trouverez par exemple un comparatif de sites e-commerce de vêtements éthiques et écologiques sur Economiesolidaire.com. De plus, pour renforcer leur visibilité et avoir plus d’impact, certaines marques éthiques se réunissent ; c’est le cas de l’AME (Acteurs de la Mode Éthique, voir l’article sur Consoglobe).
Contrairement à ce qu’on pense, les vêtements éco-responsables ne sont pas toujours plus chers que les vêtements de marque. En effet les coûts de marketing et de publicité diminuent au profit d’autres dépenses : des salaires dignes, des matières premières écologiques, des certifications (labels bio GOTS, Ecocert repris par Max Havelaar, Ecotex ; réseau IFAT pour le commerce équitable)… Et en prime on obtient des vêtements éthiques, sans substance nocive et à moindre impact sur l’environnement ! Ces filières alternatives méritent donc d’être soutenues.
Cet article est basé principalement sur le débat organisé par des militants d’Europe Écologie avec l’AME (Acteurs de la Mode Éthique) et Éthique sur l’Étiquette. Je les en remercie.