Voici donc le récit autobiographique de la jeune Natascha, enlevée en 1998 à l'âge de 10 ans, une fillette qui a passé les 3096 jours suivants, soit plus de huit ans, dans un petit cachot aménagé par son ravisseur au sous-sol de sa maison, à moins de vingt kilomètres de son domicile.
Cinq mètres carrés. Pendant plus de huit ans.... Déjà, cela fait frissonner.
Quand elle parvient à se libérer, elle a dix-huit ans. Elle a laissé au fond de la cave spartiate son enfance.
Natascha Kampusch décrit sa captivité telle quelle l'a vécue, mais avec sa compréhension d'adulte, son analyse d'aujourd'hui, sa maturité de femme, ce qui rend le témoignage d'autant plus saisissant.
Elle nous décrit les faits, nous explique ce qu'elle a ressenti à cette époque et comment elle s'explique la situation aujourd'hui, avec le recul. Elle nous livre ainsi une analyse murie et personnelle.
On sort du livre avec une profonde admiration. Une petite fille dont l'enfance était une torture et un isolement constant est parvenue à survivre intacte pour devenir une jeune femme forte et sans amertume qui refuse dorénavant qu'on lui dicte sa conduite.
Son histoire bouleversante débute avec un rappel de son enfance. J'ai été étrangement touché par ce premier chapitre dans lequel elle résume ses dix premières années, les seules années d'enfance qu'elle n'aura jamais : on y découvre une petite fillette mal dans sa peau, boulotte, qui mouille encore son lit, ballottée malgré elle entre deux parents divorcés, avec une mère parfois trop distante et trop dure. Après avoir lu les premiers chapitres je me suis dit que le ravisseur a fait bien plus que voler son enfance : il a privé Natascha Kampusch de l'opportunité de modifier cette image de la vie de famille, elle est restée sur son impression de petite fille.
Puis Natascha Kampusch partage l'horreur qu'elle a vécu, qui est bien pire que ce que l'on imaginait en regardant les informations : emprisonnée dans une cellule de cinq mètres carrés dont elle ne sortira qu'à de rares occasions sous étroite surveillance, sans lumière du jour, sans fenêtre, sans air frais, sans soleil, sans rien, le ravisseur l'a privé d'absolument tout, de tendresse, d'amour, d'amis, pour la plonger dans un monde de douleur et de peur.
Elle a vécu huit ans dans ce petit réduit dans lequel l'air lourd était amené par un petit ventilateur. Ce ventilateur si indispensable était pourtant le cauchemar de la jeune femme puisqu'il était aussi le seul bruit dans le silence de sa cellule, un bruit qui semble avoir poussé N. Kampusch au bord du précipice de la folie, avec son bruit sifflant incessant.
Le seul et unique contact humain, c'était Wolfgang Priklopil, son ravisseur, qui la battait violemment dès qu'elle regardait dans la mauvaise direction, qui la torturait physiquement et mentalement. Cet homme se prenait pour Dieu dans le monde qu'il avait créé, il décidait de la lumière et de l'obscurité, la laissant des jours durant dans le noir le plus complet, il décidait si et combien elle pouvait manger, si oui ou non elle avait le droit de lire ... Un contrôle absolu de tous les aspects de sa vie.
Pour survivre, N. Kampusch a décalé sa perception du monde, oubliant la réalité, vivant dans l'attente de la prochaine ration d'aliments et dans la crainte des prochains coups. Elle pense que ce qui l'a sauvé c'est sa jeunesse, car en tant qu'adulte elle n'aurait jamais pu admettre une telle impuissance, seul un enfant pouvant être capable d'accepter un monde aussi incompréhensible.
N. Kampusch décrit aussi comment l'isolation constante, la privation des sens dans le sous-sol, toutes ces tortures ont créé une véritable prison psychologique autour d'elle, la privant presque totalement de toute possibilité de fuite.
C'est une histoire angoissante, digne d'un livre d'horreur.
En août 2006, après huit ans, une première seconde d'inattention de son ravisseur permettra à Natascha Kampusch de s'échapper.
Elle a survécu, ce qui est étonnant, s'est libérée de son propre chef, ce qui est inimaginable et a gardé son identité et sa dignité, ce qui est miraculeux.
Natascha Kampusch fait quelques petites parallèles avec l'enquête policière : à plusieurs reprises la police aura l'occasion de mettre la main sur le ravisseur ... mais ces pistes ont été négligées. Si la police les avait suivies, Natascha Kampusch aurait eu une enfance. Sans véritablement dénoncer ces fautes aux conséquences dramatiques pour la jeune femme, elle les soulève tout de même pour ne pas oublier.
Je souhaite également souligner le regard qu'elle porte sur les gens qui parlent de " syndrôme de Stockholm ". Il s'agit de personnes ignorantes, qui pensent pouvoir imaginer une telle situation, ce qui est impossible. Elle s'en défend, mais je trouve personnellement qu'il était inutile de le faire puisque, en lisant le livre, on note bien qu'elle n'a à aucun moment éprouvé un quelconque amour malsain pour son ravisseur. Il aurait été impossible à la jeune femme de cacher aussi habilement un sentiment amoureux. Seulement, elle a montré plus d'humanité que la plupart des gens et a compris que même Priklopil n'était pas né monstrueux. Qu'il avait, quelque part au fond de lui un reste de " blanc ", d'humanité.