Voila toute l'histoire. Ce ne fut pas grand chose, certes; mais ce n’était pas rien non plus, j'en conviens.. J'ai avalé, dans un moment d’extrême sobriété et de pondération, ta langue!.. Désormais tu parles avec ton oreille. Celle que j'ai léché goulûment, hier. Ce n'est pas plus mal... Mais de quoi te plains-tu? Tu rechignes parce que, l'autre matin, j'ai englouti, dans un mouvement des plus anodins, ton bras droit, en disant "bonjour"?.. Comment ça, je l'ai dévoré jusqu'à l'aisselle? Et alors? Ce n'est pas une grosse perte l’aisselle! Si?.. Tu vas écrire avec ta jambe du milieu maintenant? Bien sûr, quelle question... Parfait! Je me chargerai d'aspirer toute ton encre! Pardon? C'est deja fait? J'ai épuisé tous les liquides de ton corps, dis-tu...
Maintenant, tu m'accuses d'avoir vidé ton encrier, coupé l’électricité de la centrale de la ville et planqué tes souliers?! Bah tu peux toujours venir pieds nus. Non ça na me gène pas. Non je n'ai pas fait exprès... Arrête un peu de pleurer ta langue, veux-tu! Tu absorbes excellemment mes baisers sans elle. Je te promets!... Comment? Tu ne veux plus que je couvre mon corps de cette poudre blanche? Quelle poudre blanche? Ah! Tu n'as plus besoin de sucre maintenant que tu n'as plus de langue. Mais, ce... D'accord, je me tais... Tu ne dis plus rien? Hein? Ton oreille tombe de fatigue. Aha. Non je ne comprends toujours pas... On sonne à la porte, tu attends quelqu'un?... Non, reste! Je vais ouvrir... Ce sont tes amis. Il viennent te présenter leurs condoléances, sincèrement mesquines, pour le décès de ta langue... Je les fais entrer?...