Facebook… Le film fait parler de lui, mais le « réseau social » aussi. On en découvre les travers, autant donc faire un point sur le droit. C’est Sandrine HILAIRE, avocate spécialisée en TIC du cabinet SAINT GERMAIN – AVOCAT ET CONSEIL et Correspondante Informatique et Libertés qui a répondu aux questions de Red-Act.
Facebook et les réseaux sociaux ont envahi la toile. On imagine qu’une jurisprudence est en train de se développer, mais d’un point de vue juridique, c’est quoi un réseau social et quel droit s’y applique ?
Sandrine HILAIRE : Il convient d’avoir une réponse très prudente en la matière dans la mesure où il existe peu de décisions de justice concernant Facebook en France.
Cependant, nous pouvons nous référer à une ordonnance de référé rendue le 13 avril 2010 par le Tribunal de Grande Instance de Paris dans une affaire Hervé G/Facebook France.
Dans cette affaire, les juges définissent Facebook disent que Facebook « n’est pas l’éditeur des contenus publiés, mais un prestataire technique dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne ». En d’autres termes, le Tribunal considère que Facebook est un hébergeur au sens de la loi dite LCEN du 21 juin 2004.
Est puni d'un an d'emprisonnement ...
Parlons Facebook, qu’est ce qui y est public, qu’est ce qui y est privé ? Je constate une photo publiée sans mon accord, un message diffamant ou mensonger sur le mur public d’un particulier, que puis-je faire ? Idem sur le mur d’un concurrent ?
Sandrine HILAIRE : L’article 226-1 du Code pénal dispose que : « Est puni d'un an d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui :
- 1º En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel
- 2º En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé.
Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu'ils s'y soient opposés, alors qu'ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé ».
On voit ici que la loi ne se préoccupe pas de savoir si les images sont publiées ou pas. L’acte suffit en lui-même et constitue une atteinte à la vie privée.
Cependant, l’article 226-2 du Code pénal précise :
« Est puni des mêmes peines le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d'un tiers ou d'utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu à l'aide de l'un des actes prévus par l'article 226-1 ».
Facebook et la loi de la presse
Le code pénal introduit ici la notion de « porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d’un tiers ». On voit donc que l’acte de publier une photographie sur Facebook est bien « porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d’un tiers ». Cet acte, dans les conditions définies par le code pénal tombe bien sous le coup de la loi.
S’agissant de la diffamation, nous avons d’ores et déjà quelques décisions de justice qui considèrent que des propos injurieux ou diffamants publiés sur Facebook entrent bien dans le champ d’application de la loi sur la presse de 1881.
De fait, il appartient à la personne qui se sent injuriée ou diffamée d’assigner l’auteur présumé des propos. Je tiens à attirer toute particulièrement l’attention ici sur le délai de prescription en matière de délits de presse. Il commence à courir à compter de la date de publication des propos litigieux et a une durée de 3 mois. A l’expiration de ce délai, l’infraction est donc prescrite et ne peut plus faire l’objet de poursuites
Une image ou un texte publié sur Facebook passe de réseaux sociaux en réseaux sociaux. L’information ou l’œuvre publiée échappe à son auteur. Alors justement qu’en est-il du droit d’auteur sur Facebook. Comment peut-on le faire respecter aujourd’hui ?
Sandrine HILAIRE : C’est une question à laquelle il est difficile de répondre de façon catégorique. Cependant, deux sources permettent de nous éclairer. La première concerne la loi sur le droit d’auteur qui assure à l’auteur d’une œuvre de l’esprit un droit d’auteur sur cette même œuvre. Cette protection est garantie par la loi.
Nous avons ensuite les conditions générales d’utilisation de Facebook qui exigent que celui qui télécharge (upload) une œuvre soit autorisé à le faire. C’est une façon pour Facebook de s’exonérer de sa responsabilité civile et/ou pénale en cas de violation de la législation sur les droits d’auteur.
La technique du « partage » de contenus pose une autre problématique. Cependant, s’agissant d’articles de presse, on peut légitiment penser que les éditeurs de presse qui permettent le partage de leurs articles par le biais d’un bouton « partager » autorisent de facto les internautes à partager ces mêmes articles.
Par analogie, la fonction « partager » étant présente sur Facebook, on pourrait penser qu’à partir du moment où une personne met en ligne du contenu dont elle est l’auteur sur Facebook, elle s’expose à ce que ce contenu soit partagé et qu’elle y consent tacitement.
Avec l’essor des réseaux sociaux et de la toile, on commence à évoquer sérieusement l’e-réputation. Hors la production de contenus, la principale riposte est souvent juridique, les avocats disposent-ils aujourd’hui de moyens d’actions rapides et efficaces ?
Nous disposons de moyens rapides ...
Sandrine HILAIRE : Nous disposons de moyens rapides, certes, efficaces pour certains. En général, une simple demande de retrait du contenu auprès de l’administrateur du site suffit à faire retirer le contenu. Dans le cas contraire, nous envoyons une mise en demeure. Cette dernière est efficace dans la grande majorité des cas.
Cependant, si le contenu litigieux n’est toujours pas retiré, nous pouvons assigner en référé.
Il est cependant important que les internautes utilisant Facebook aient conscience du fait qu’ils restent responsables des contenus qu’ils publient.
Une charte du droit à l’oubli a été signée la semaine dernière mais je doute fortement de son efficacité. Tout d’abord parce qu’en tant que charte, elle n’a aucune force obligatoire et surtout parce que ni Facebook, ni Google, ni Yahoo n’ont signé cette Charte, alors qu’ils sont les principaux collecteurs de données.
Une loi aurait été certainement plus efficace mais peut-on légiférer sur tout ? N’est-il pas préférable que chaque internaute prenne ses responsabilités lorsqu’il publie des contenus le concernant sur Internet et ce, quelque soit le réseau social utilisé ?
Entretien Exlusif par Red-Act-Communication - [Stéphane BOURHIS]
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