Voici un livre dont la fin est heureuse et rien que pour cette fin, j’aime ce récit. Quand le requin dort , on peut enfin espérer sortir en haute mer, peut être…enfin ! Sauf que c’est difficile! Sauf que nous sommes en Sardaigne, dans une famille sarde depuis le Paléolithique supérieur , la famille Sevilla-Mendoza et en Sardaigne on est plutôt tourné vers l’intérieur, l’intérieur de soi et l’intérieur de l’île et ce n’est pas facile de se comprendre dans cette famille où il y a ceux qui se taisent et ceux qui parlent trop, où on souffre et où on s’entraide, mais mal, alors on se quitte trop souvent et parfois de manière radicale. Ici, seule la mer est au bout du chemin. Il n’y a pas d’autre issue et c’est tout sauf un chemin sûr et facile. La mer fait peur, elle rend malade, elle porte au loin ceux que l’on aime, elle isole, elle menace plus qu’elle n’apaise, elle peut rendre fou parfois!En exergue, l’auteur a placé ce passage de Pinocchio où l’enfant marionnette prend la main de son père pour essayer de s’enfuir ensemble du ventre de la baleine quand celle-ci s’endort : Venez avec moi, dit l’enfant, et n’ayez pas peur!
La narratrice est une jeune fille de dix-huit ans à la fin de l’histoire qui observe avec inquiétude sa famille, s’étonnant que personne n’y soit vraiment heureux. Chacun en effet cherche à se sauver des dangers de l’existence par des actes impulsifs, trop libres ou trop figés, toujours excessifs. Ils s’aiment mais se font mal, ils espèrent et se déçoivent , ils s’acceptent, s’entraident mais se sentent incapables de réaliser leur propre bonheur et celui des autres membres de la famille. Celui-ci ne peut venir que de l’extérieur, des étrangers à la famille, à l’île même! Il faut sortir loin "quand le requin dort"!
J’ai beaucoup apprécié la façon d'écrire de Milena Agus dont j’avais déjà aimé; Mal de pierres.. C’est un livre mince pour une histoire familiale lourde , violente , avec des évocations audacieuses, scandaleuses, choquantes et d’autres plus douces, apaisées, légères selon les personnages évoqués. Les chapitres sont courts, les phrases efficaces. Ni digressions, ni romantisme, ni amertume, ni moralisme, L’essentiel, uniquement:: les tâtonnements, les errances et les chocs reçus sur le chemin de la vie rêvée, celle de l’amour authentique et stable, enfin ! « Mais moi, je dis que Dieu le veut » Dernière phrase : un des rêves au moins s’est réalisé!
Quand le requin dort de Milena AgusTraduit de l’italien par Françoise Brun, Titre original : Mentre dorme il pescecane(éd. Liana Levi, 2010, 150p) Billets de Stephie, Leiloona, , Gambadou ,