En France la réforme des retraites par répartition du gouvernement et celle préconisée par l'opposition de gauche n'ont aucune chance de résoudre le problème des retraites. En effet il n'est tout simplement pas possible de sauver un système de retraites par répartition, quel qu'il soit.
Ce que je dis là n'est pas propre à la France. François Fillon, le Premier Ministre français, lors de son intervention sur TF1, hier soir, a eu raison de rappeler que tous les pays occidentaux augmentent l'âge légal de la retraite pour tenter de sauver leurs systèmes de retraite par répartition, mais il a oublié d'ajouter qu'ils ont tort de vouloir les sauver (il n'a pas cité la Suisse qui ne pourra pas davantage sauver à long terme l'AVS , le 1er pilier par répartition du système de retraites helvétique).
Sauver les systèmes de retraites par répartition est en effet mission impossible, comme je l'ai souligné la semaine dernière ici, de par leur principe même. Leur principe est une véritable escroquerie, du genre de celle qui a permis à Madoff de gruger ceux qui lui ont fait confiance : il s'agit de payer les retraités avec les versements des cotisants. A fin 2009 les réserves de la CNAV, la caisse nationale d'assurance vieillesse française, ne s'élevaient plus qu'à 33 milliards d'euros (intouchables de par la loi avant 2020) et le déficit prévisible en 2010 était de 11 milliards...
Cette escroquerie apparaît aujourd'hui au grand jour du fait que la longévité des populations et que la stagnation, sinon la diminution, du nombre de naissances produisent maintenant tous leurs effets sur le rapport cotisants/retraités, de même qu'il a fallu la crise financière pour mettre à jour les méfaits de Madoff, dont le système ne pouvait perdurer que si les apports continuaient de croître à un rythme plus soutenu que les retraits.
L'obstination à vouloir sauver les systèmes de retraites par répartition est donc pathétique. Mais elle n'est pas plus pathétique que la volonté, en France, de sauver le modèle social dans son ensemble. Ce modèle social est basé sur la confiscation par l'Etat des revenus des uns pour les distribuer à d'autres, sous le fallacieux prétexte de solidarité sociale. Il est de plus en plus lourd pour l'économie, qu'il entraîne par le fond.
Une telle confiscation, sans consentement, est le contraire d'une solidarité. C'est du vol, peut-être légal, mais du vol. Le résultat de ce vol organisé et généralisé est qu'il tue des emplois, qu'il ruine ceux qui travaillent, qu'il détruit le lien social et qu'il appauvrit toujours davantage. Ce vol présent est également futur puisque le modèle social est en partie financé par un endettement proprement phénoménal. Si en France les moins de 25 ans (32,2% d'actifs) et les plus de 55 ans (38,3% d'actifs) sont sous-employés ici, il faut se demander pourquoi au lieu d'accepter ce constat.
Il faut se mettre à la place d'un petit employeur privé lambda (parmi les plus nombreux). Il sait que chaque emploi va lui coûter beaucoup et rapporter peu à son employé, qu'en outre il ne lui sera pas facile de s'en séparer si les affaires vont mal (elles vont d'ailleurs plutôt mal en ce moment). Ces facteurs ne sont pas de nature à l'inciter à embaucher. Il préférera renoncer à embaucher des jeunes qui manquent d'expérience (et qui de ce fait coûtent d'abord beaucoup avant de rapporter un peu) et des quinquagénaires qui eux sont de toute façon a priori trop coûteux. Il demandera donc davantage d'efforts à ceux qu'il emploie déjà, pour garder la tête hors de l'eau.
Sur le site de l'UNEF, l'Union Nationale des Etudiants de France, organisation étudiante en pointe contre la réforme des retraites du gouvernement, on peut lire ici :
"Alors que les jeunes galèrent déjà sur le marché du travail avec l’enchainement des périodes de stages, d’intérim et les CDD, le report à 62 ans de l’âge légal de départ en retraite va accentuer le chômage des jeunes. En tentant de maintenir au travail deux ans de plus les salariés déjà en place, c’est près d’un million d’emplois qui ne seront pas libérés. Une solution existe pour assurer le financement des retraites : mettre au travail les 25% de jeunes aujourd’hui au chômage !"
L'auteur anonyme des lignes ci-dessus constate fort justement le sous-emploi des jeunes, mais sans en chercher la cause réelle, celle qu'on ne voit pas, le lourd tribut payé au Moloch étatique ... Puis il considère comme une donnée acquise que le nombre d'emplois est fixe et qu'il convient de le partager, la même erreur que celle commise lors de l'adoption de la loi sur les 35 heures, avec les résultats désastreux que l'on connaît... Il en conclut que les employés de 60 à 62 ans, qui représentent selon lui 1 million d'emplois, c'est ce qu'il voit, vont prendre ces emplois aux moins de 25 ans, comme s'ils étaient interchangeables...
Il ajoute :
"Le report à 62 ans de l’âge légal plonge également les jeunes dans l’incertitude. Alors que l’accès à un emploi stable se fait de plus en plus tard (27 ans en moyenne), le report de l’âge légal de départ va conduire les jeunes à travailler jusqu’à 67 ans pour espérer percevoir une retraite décente ! "
Ce jeune Français se fait encore des illusions, comme bien d'autres, souvent plus jeunes que lui, qui manifestent contre la réforme de la retraite [la photo ci-dessus provient d' ici] : il n'aura pas de retraite du tout, dans 40 ans, ou plus, ou moins ! Du moins pas de retraite par répartition, pour la bonne raison que cette dernière aura fait long feu... Il n'aura de retraite décente que celle qu'il se sera constituée lui-même et il ne prendra sa retraite qu'à l'âge indéterminé aujourd'hui où il considérera qu'elle lui est suffisante pour cesser son activité. Entre-temps il faut espérer que l'économie aura été libérée... sinon...
Je comprends qu'il puisse être amer et qu'il ne veuille pas faire partie d'une génération sacrifiée ici , mais alors il faut qu'il comprenne que c'est le modèle social, dont il attend des aides lui aussi, comme tout le monde en France, qui est la principale cause de cette situation. En sont responsables tous ceux qu'il vénère : entre autres, les syndicats, les hommes politiques de gauche, et, entre autres, tous ceux qu'il ne vénère pas : les organisations patronales, les hommes politiques de la fausse droite. Bref, tous ceux qui ont opté, à la place de leurs concitoyens passifs, inconscients et rêveurs, pour la route de la servitude de préférence à celle des libertés...
Francis Richard