Les incendiaires

Publié le 18 octobre 2010 par Malesherbes

A propos de la réforme des retraites, un lecteur a écrit à Télérama ceci : « les journalistes ne parlent que de la fermeté du gouvernement et jamais de son intransigeance. Serait-ce par manque de vocabulaire ? ». Modifier le régime des retraites est nécessaire. Mais puisqu'il s'agit de décisions qui feront sentir leur effet sur des dizaines d'années, était-il indispensable d'expédier cette réforme en quelques semaines, en s'opposant à toute véritable discussion au Parlement ?

Que de mensonges ne nous a-t-on pas assénés à cette occasion. En 2007, le Président nous chantait qu'il n'avait pas de mandat pour s'attaquer à ce problème, avant de proclamer que, grâce aux mesures prises précédemment, le régime actuel n'avait pas de difficultés de financement avant 2020. On vient nous conter aujourd'hui que c'est la crise qui les a fait surgir alors que par ailleurs on nous assure que c'est l'évolution de notre démographie qui les provoque. On évite aussi de remarquer que les montants en jeu sont du même ordre, voire inférieurs, à ceux déjà consentis à certaines catégories sociales : bouclier fiscal, TVA à 5,5% pour les restaurateurs, allègements de charges sociales pour les entreprises, ou à ceux bientôt accordés, telle la suppression de l'ISF.

J'ai de plus en plus de peine à supporter les apparitions de notre Président qui, fort heureusement, se font plus rares que précédemment. Avez-vous remarqué que le contentement de soi qu'il manifeste en toutes circonstances le conduit à ponctuer chacune de ses périodes oratoires de l'esquisse d'un sourire de satisfaction : sa bouche s'étend, les commissures de ses lèvres s'élèvent, avant qu'il ne parvienne de justesse à réprimer l'expression de la joie qui a failli le submerger. C'est cette certitude d'avoir raison contre tous qui l'amène, avec ses laquais, à ne pas voir la montée de fièvre du pays.

Faut-il être assez stupide pour ergoter sur l'importance relative des différents défilés ? Une manifestation est un flux, que des approches statiques ne peuvent appréhender. On observe bien sûr d'une fois à l'autre des fluctuations mais c'est être aveugle que prétendre que le mouvement s'essouffle. Il est tout aussi inconséquent d'affirmer que la situation est bien sous contrôle, qu'il n'y a ni pénurie de carburant, ni blocage des routes. Quand des gens crient, prétendre que l'on n'entend rien, c'est les inciter à crier plus fort. A croire que les autorités souhaitent une radicalisation du mouvement.

Il s'agit peut-être d'un calcul pour faire basculer cette fameuse majorité silencieuse dans le camp du pouvoir. Les médias commencent à montrer des gens qui entonnent l'air bien connu : « y'en a assez de ces grèves, on ne peut plus travailler ! ». Il est vrai que le pouvoir pense avoir les moyens de maintenir l'ordre, dans un pays où un individu condamné en première instance pour injure raciale peut rester ministre de l'Intérieur, où un gendarme peut impunément tuer un gitan menotté qui tentait, vraisemblablement sans grandes chances de succès, de s'échapper. Etait-il pour autant justifié d'ôter la vie à un possible voleur, dans un pays qui a aboli la peine de mort, et où de plus puissants échappent à la justice en restituant l'argent détourné, équivalant à plusieurs milliers de billets de 200 euros ?

La France a toujours éprouvé de grandes difficultés à évoluer. Elle a besoin pour changer de secousses, parfois de révolutions. J'entendais dimanche soir sur France 2 l’épouse d’un gréviste déclarer à Donges: « j’pense qu’ils nous prennent un p’tit peu pour des rigolos. Et j’pense qu’il faut leur montrer que nous on est p’t être le peuple mais la France c’est nous ! ».

Nos politiques feraient bien de s'en souvenir avant qu'il ne soit trop tard.