Retour sur des faits qui, s'ils n'en disent long sur la censure – ce mot de censure est à manier avec précaution, surtout dans nos contrées où, faut-il le rappeler, demeure la possibilité d'écrire tout et son contraire, de publier des pépites comme des étrons, sans parler de l'infini respect dû aux victimes de la vraie censure... –, nous renseignent au moins sur l'un de ses éclaireurs, à savoir une notion et une réalité aussi sophistiquées que subtiles : l'intimidation.
Nous sommes vendredi dernier, en fin d'après-midi. Je me connecte à ma plateforme tout désireux de recopier une nouvelle note (j'écris à la main) avant de la propulser sur la Toile. Or, je constate très vite l'impossibilité technique de la chose. En bon internaute qui se respecte, je persiste tant et plus jusqu'aux rhumatismes logés dans les deux index (comme tous les hommes, je tape avec deux doigts), mais, à l'écran, le même refrain s'affiche : « Erreur 404 : blog introuvable ». Dans l'inépuisable série La vie (et la vérité) est ailleurs, au lieu de lâcher un Diantre ! pour le moins circonstancié, je délaisse mon bureau afin de rallier la salle de bain puis la cuisine. Aussitôt mes ablutions et mon dîner vénusiens achevés, je retourne à mon affaire, c'est-à-dire à mon écran soudain devenu bègue : « Erreur 404 : blog introuvable ». Aussi bien, profitant de ce temps suspendu, je jette un œil dans ma boîte aux lettres, tiens, me dis-je, un message émanant de mon hébergeur, je j'ouvre sans tarder : « Christophe, un élu de votre régio n m'a contacter pour se plaindre de deux de vos articles qu'il a juger déplacé. J'ai donc procéder à la suppression de votre blog. Avec regret. Cordialement. KC » (sic, fautes orthographiques, grammaticales et typographiques comprises). La voix chevrotante et les doigts tremblotants, j'en réfère à des proches et à des correspondant(e)s avant de me glisser sous une couette rouge et noire aussi douillette que dérisoire - le sommeil, la seule occupation qui nous assume et nous (r)assure de toutes parts...
Nous sommes à présent samedi matin. Après une nuit des plus agitées et des plus délirantes dans les creux de laquelle furent conviés à mon chevet la Stasi et ses sbires, les Robocop du général Pinochet, et autres joyeuses Polices (de caractère) – au passage, puissent les boutiquiers et les camelots de la théorie du complot et de la victimisation et les VRP du langage galvaudé s'éloigner à jamais de ma coupe... –, passant outre mon premier café et ma première cigarette, ceci pour signifier l'ampleur et la profondeur du tonneau de connerie et de suffisance dans lequel je me suis précipité, direction la bécane. L'écran s'entête dans le comique de répétition : « Erreur 404 : blog introuvable », ouverture de la boîte aux lettres, tiens, un nouveau message de mon hébergeur : « Christophe, Monsieur Machin-Truc [le mail de l'élu alsacien (et national !) m'est délivré en pièce jointe] a non seulement protester contre deux de vos articles, mais s'est étonner de l'absence de mentions légales sur mon site et, m'a t-il dit, de défaut de domiciliation [ce qui est vrai]. Vous m'avez mis dan s une belle merde. KC. » (sic)
Toujours ce samedi, quelques heures plus tard, stupeur : c'est non seulement mon blog qui s'est volatilisé dans la vacuité intersidérale mais tous les autres de ma désormais ancienne plateforme. Remarquez, pour l'avoir vérifié (mon côté flic), il y avait aussi, dans la masse, des blogs dévolus à la triste cause du cul oblgatoire (sans filtre adulte), aux insondables mystères de la vente pyramidale, et ainsi de suite.
Le webmaster KC en dehors des clous, je veux bien le concéder, mais alors pourquoi un élu de la République lui adresse plusieurs récriminations en prétextant, au départ, mes deux articles ? Deuxième question : est-il flic ? Troisième question : n'a-t-il que ça à foutre ?
Quelques mots, maintenant, sur mes deux notes « déplaisantes » : l'une concernait le président de la République, pas tant sa politique du reste (quoique) – après tout, il peut m'arriver de prôner la retraite à soixante-cinq ans (ça nous pend budgétairement au nez tel un sifflet au bout d'une ficelle) et il peut également m'arriver de dire Merde ! à l'Europe, cette gomme obligatoire des nations –, mais plutôt sa « constitution psychique », avouons-le pour le moins bancale – que je sache, l'auditeur, téléspectateur et lecteur que je suis dispose (encore) du droit d'entendre, de voir et de lire, et pas seulement dans les urnes (n'en déplaise aux gauchos énervés, la France de Sarkozy n'a strictement rien à voir avec je ne sais quel régime carburant à la censure... L'autre disposait une lettre ouverte au locataire de la place Beauvau, la bien-nommée, vous savez celui qui ne peut souffrir les Auvergnats, qui ne souhaite, subliminalement j'en conviens, cantonner les bougnats que dans leur territoire de souche, celui des volcans éteints, des fromages et des saucissons, et des pneus Michelin - soyez rassuré Monsieur Hortefeux : la prose romanesque de Valéry Giscard d'Estaing, au cas où ça aurait échappé à vos têtes (plombées) de lecture, est absolument inoffensive...
Maintenant que j'y pense, rappeler à l'ordre l'administrateur KC à propos de mes crottes sur Rimbaud, Kafka, Dostoïevski et les autres eût été... Enfin bref.
Pour finir, merci à tous ceux qui m'ont adressé quelques mots de « soutien » – là encore, n'abusons pas du poids, de la portée et du prix des mots... –, y compris sur leur blog, et merci à mon nouvel hébergeur dont j'aime que la plateforme s'appelle Fatalblog (ça ne s'invente pas), et dont je note heureusement sa domiciliation en France... Que voulez-vous, on ne quitte pas la mère patrie pour si peu, même virtuellement, en tout cas on ne le quitte pas pour une tempête dans un verre d'eau, en l'espèce une eau assez dégueulasse...
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