Mon ordinateur à les cheveux qui poussent, ça ne date pas d'hier. Au début cela me gênait un peu pour taper entre ses yeux des mots sans les crever. A l'hopital ils n'ont rien trouver d'anormal, une tension fiable, un cœur de poulain puceau comme une anguille. Au début j'ai cru que c'était de la mousse, du lichen, mais peu à peu lorsque sont arrivés les premiers épis et ensuite les premières mèches, j'ai compris qu'il s'agissait de cheveux.
Ce n'est pas pratique le shampoing lorsque je l'amène chez le coiffeur, ça lui pique les yeux il doit s'ébrouer longtemps sous le regard exténué des clients sous anxiolytiques, des bons français, de souche pharmaceutique pure, socialement admissible puisque chimiquement rentable.
Au début mon ordinateur était surpris de les voir ainsi à geindre de tout chez le coiffeur, mais maintenant non il s'y est fait.
Il fait comme moi, se met les doigts dans le nez, regarde si les chanteurs nationaux existent toujours dans les magazines, s'aventure parfois à lire un journal pour voir si le monde du dehors est toujours obèse et se rassure lorsqu'il voit que la France à toujours aussi peur de tout depuis Roger Gicquel et qu'au moins comme ça elle ne risque rien et nous non plus.
Parfois avec mon ordinateur on part en voyage dans le monde du ciel, et lorsqu'on atterrit dans des coins un peu louche je le laisse au chenil des ordinateurs pour ne pas qu'il finisse dans une soupe autochtone nuisible à ses composants.
Lorsque je le retrouve je lui tape sur les touches des barbarismes architecturaux sans concessions, il met ça dans son ventre, s'en fait péter le disque, jusqu'au mégaoctets de trop, il lui arrive d'overdoser sa carte mère qui finit par roter sur l'écran d'étranges fécondités scribouillées de ciel atroce pourfendue de cataclysmes qui à grand coup de trafusoir panoptique détaille menu menu les promiscuités et tout leur charabia d'exubérances approximatives.
Parfois lorsque je l'ai trop rempli, nous retournons tous les deux à l'hopital des probabilités, je lui explique que ce n'est rien, juste une succession d'instants juxtaposés, que la réalité n'est pas une, que tout ça au fond c'est quantique, je le rassure car il n'aime pas ça le reformatage, ça le démange me dit-il.
Il se souvient alors de HAL dans 2001, des scories qui elles aussi disparaîtront, de tous ses spams malveillants auxquels il s'était finalement habitué.
Quand je le retrouve quelque chose à changé entre nous, c'est comme si nous nous réapproprions le monde à chaque doigts, comme un pas de plus vers l'inconnu des nouveaux murs d'une sémantique irrationnelle tranchant net dans le vivier des ondes s'offrent immaculés à nos palpitations.
On sort dans la rue, je l'exécute direct sur un banc public , aux viés et à la bévue de tous, nous découpons au tranche lard le quotidien dans nos cellules, jusqu'à l'inconscience des batteries, nous sévissons d'un regard apographe les versatilités d'un monde énigme aux multiples contours, réinventant lui même ses propres poisons et leurs antidotes à chacune des éruptions autonomes qui s'échappent de nos compas.
Aujourd'hui quand je vois sa crinière qui commence à blanchir par endroit, je me dis qu'il faudrait que je lui présente une nouvelle carte mère auto régénératrice, j'ai déjà tenter de l'accoupler avec la télévision ou la machine à laver, mais il y a eu rejet.
Je lui ai acheté une nouvelle souris qui s'allume et change de couleur pour le distraire pendant mes absences, depuis on dirait qu'il va mieux.
Balder